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 Fragment #9 - Au tribunal des pensées

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Sirius

Sirius



Fragment #9 - Au tribunal des pensées Empty
MessageSujet: Fragment #9 - Au tribunal des pensées   Fragment #9 - Au tribunal des pensées Empty09.04.08 19:18

Mercredi 4 octobre 2006
à Kanazawa

Maintenant, lorsque je vais aux cabinets, c’est parce qu’un autre besoin tout aussi pressant m’y pousse : réfléchir. Je mets à fond la soufflerie chaude, et ça m’aide à penser, à faire le tri. Je juge mes pensées les plus mauvaises, et condamne les pires.
Mon genou commence à aller mieux, mon plan de fugue aussi. En réalité le terme de fugue n’est pas exact pour moi, car j’ai enfin décidé de me comporter en adulte majeur et responsable, et d’être entièrement maître de mon destin. Appelons donc ça plutôt un départ prolongé.
Etre aux cabinets me permet de ne pas foncer tête baissée. Certains jours j’y vais tellement que ma famille me demande comment « ça va » au moins sept fois par jour. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère, et mon évasion a besoin d’une planification précise.
J’ai réuni tout l’argent nécessaire à l’opération, et je me suis aperçu que j’avais juste le compte pour le billet d’avion. Il me restera exactement onze euros et quatre-vingt dix cents une fois arrivé en France, la monnaie européenne que j’avais gardé par nostalgie au fond de mon portefeuille. Soit, il faudra faire avec. Les billets d’avion sont commandés, merci le Dieu Internet, la liste des affaires à emmener est faite. Reste le plus dur, préparer l’annonce à la famille.
Je ne suis pas un monstre, malgré ce que j’ai fait à ma petite amie restée en France, je pense tout de même au mal que je suis capable de faire. Surtout à ma petite sœur. Mais quand on sait qu’il faut moins d’une journée pour fouler le sol de l’autre coté de la planète il n’est pas difficile d’imaginer des repas de famille à chaque période de congé. « L’argent » me direz-vous, je vous répondrais « ça se trouve ». Je veux prouver à mes parents et surtout à mon père que je peux me débrouiller seul, que je n’ai pas besoin d’un chemin de vie tout tracé. Je ne veux pas marcher dans ses empreintes de pas, mais créer les miennes. Je suis de ceux qui prennent un plaisir immense à fouler un sol blanc après une nuit de neige tôt le matin où personne n’a encore posé le pied. Découvrir par moi-même ce qu’est la vie, le travail. Avoir la fierté de dire : je m’en suis sorti tout seul.
« Objection M. le président ! Ne risques-tu pas de regretter l’appui paternel, surtout au niveau financier ? ». Objection retenue. Jusqu’à présent j’ai vécu sans l’ombre d’un soucis d’argent. Je ne sais pas ce que c’est que de ne pas pouvoir choisir le cadeau que l’on veut à noël dans le catalogue parce que « le père noël n’est pas un milliardaire ». Mais soit, le choc sera raide. Mes onze euros me suffiront. Mon père se rendra alors compte que je n’ai pas besoin de son argent, et encore moins de son poste. Là où son argent sera le bienvenu, ce sera quand il s’agira de venir les voir au Japon.
Car j’ai condamné la pensée de ne plus retourner au Japon. Ma famille, même si je ne l’ai pas choisie, j’y tiens. Ma petite sœur me manquera beaucoup, et j’espère que mon départ ne la blessera pas trop. Elle n’a que neuf ans. Je ne me fais pas de soucis pour elle ici, elle s’est déjà fait plein de copines dans le quartier. Pas de barrière de langue qui tienne à cet âge !
L’excitation du départ commence à me prendre. Demain si mon genou va mieux, je vais prendre mes billets de train à la gare de Kanazawa. Car il n’y a pas d’aéroport pour la France ici. Dans les dates et les tarifs que je voulais il me restait Osaka et Tokyo. J’ai préféré Osaka, c’est le même aéroport par lequel je suis arrivé, je le connais un peu mieux. De plus, ça me permet de connaître le prix du billet. Il me reste plus qu’à aller aux distributeurs automatiques de la gare, on peut avoir une interface en anglais alors que rêver de mieux.
« A table ! ». La séance est levée. Je sort des cabinets et m’apprête à vivre le moment le plus difficile de la journée, celui où il ne faut pas craquer, celui où mon terrible secret devient lourd à porter : le repas du soir en famille.
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Fragment #9 - Au tribunal des pensées
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