Fragment #429 – Kokhavah et moi : septième jour

S'il y a bien une chose que je déteste chez les bébés, c'est que ça sent vite très mauvais. Je ne dis pas que j'ai hâte que tu t'en ailles, Kokhavah, je dis juste que je n'en peux plus de retenir ma respiration quand je te change, et de voir s'empiler dans ma poubelle les couches remplies de liquides aux couleurs étranges. Hier soir nous sommes rentrés avant les autres, car la petite était fatiguée, si bien que je me suis couché tôt et que je suis bien reposé. J'aime voir mon visage détendu, mes yeux frais et perçants. Aucun regret d'avoir quitté la fête de la musique avant la fin, car après tout, cet événement n'est rien d'autre que l'occasion pour les jeunes de faire du bruit et de boire, de se battre, de plonger en coma éthylique, de se retrouver en garde à vue. Ce n'est pas la place pour un petit bébé, ni pour moi.
Lorsque Lola et Théo sonnent à la porte, je vais ouvrir et Lola se précipite sur la petite et la serre contre elle. Comme si la séparation avait été une douleur physique, que les retrouvailles atténuaient enfin. Je croise le regard de Théo, qui détourne les yeux. Ses yeux bleus magnifiques et détestables. Je leur propose d'entrer et de boire quelque chose. Lola prend un thé, mais Théo refuse l'invitation. Kokhavah et sa mère sont aux anges. Théo et moi sentons que l'un de nous est de trop. Oui, ça s'est bien passé. Oui, je me suis bien débrouillé. Mieux que je ne le pensais, en tout cas.
Est-ce que je pourrais faire ça tous les jours ? Je n'en suis pas certain. Juliette a raison, nous sommes trop jeunes pour ça. Demain je reprendrai ma routine. Métro. MacDo. Dodo.
Je les regarde tous les trois, chez moi, puis dans le couloir, lorsqu'ils s'éloignent de l'appartement, et je me dis qu'ils forment une belle famille. Un pincement vient se nicher dans mon coeur.
Les choses passent si vite ; Kokhavah n'est plus là, je me retrouve seul avec mon chat.
J'envoie un texto à Goran pour lui dire qu'il me manque.