Mardi 29 juillet 2008
à Paris
23h09. On a encore cherché Julian toute la journée. Ce matin avec Juliette, dans les cafés qu'ils fréquentaient ensembles. Puis on a appelé Goran, il était bien en Croatie comme l'avait dit Juliette, mais sans Julian. Du coup le temps d'avoir les renseignements et Orange envoyait un message à Lilian pour le prévenir qu'il n'avait plus de crédit. Puis Juliette est partie travailler. Elle nous a quitté et nous avons erré ; erré pendant des heures, cherchant sous les ponts à apercevoir sa tignasse, voir si l'on ne pouvait pas trouver un signe de lui au détour d'un square, d'un coin de rue, d'un quai de métro. Mais rien. Rien ne nous est parvenu. Pas un signe, pas une idée, rien de nouveau. Je vois Lilian se coucher dépité. On ne fait pas trop de bruit car Laura est déjà couchée ; et même si on entend Simon pianoter sur son ordinateur, c'est à mi-voix que nous conversons. La conversation tourne court très rapidement. Je sens bien qu'il n'a pas envie d'en parler, pourtant ça le rend triste.
J'éteins la lumière après que chacun ait enfilé ce qui lui fait office de pyjama - un simple caleçon troué pour ma part -, et que nous nous soyons blottis sous le drap. Il fait trop chaud pour prendre une couette ou une couverture. Le drap suffit amplement.
Il fait chaud, je suffoque un peu, pourtant on a déjà ouvert la fenêtre, alors on ne peut plus rien faire que patienter et essayer de s'endormir.
Je commence à sommeiller lorsque j'entends derrière mon épaule renifler un sanglier. Je tombe de ma position -j'étais sur le côté- et je me retrouve sur le dos. C'est Lilian qui étouffe quelques sanglots.
« Ça va pas ? Qu'est–ce qui se passe ? » Je n'ai pour seule réponse que l'arrivée sur mes joues de ses larmes. Il s'est jeté dans mes bras, et sanglote plus bruyamment. Entre quelques
snif gloussés et raclements amplifiés on peut reconnaître un
Julian, un
jamais, un
perdu, un
je l'aime, et beaucoup de
mouniangenment,
clajourdin, feroudrie, ou
feroudrit -je n'en connais pas l'orthographe-.
Je n'ai toujours pas l'habitude d'avoir le corps d'un homme nu contre le mien. C'est Lilian donc ça ne me fait rien. C'est comme si mon frère avait besoin de réconfort. Je le réconforte tant bien que mal, comme je peux. Je sers dans mes bras son corps convulsif, collant son torse épilé contre mes poils pubiens.
Sa tristesse m'envahit et des larmes me montent aux yeux. Mon Lilian je ne sais pas ce qui nous lie mais c'est très fort. Je pense moi aussi à Julian, à sa disparition qui devient de plus en plus troublante. On devrait la déclarer à la Police, mais en cette période de vacances ils n'ont pas les effectifs nécessaires pour mener une enquête sur la disparition d'un jeune homme majeur à même de partir seul en vacance n'importe où en France ou à l'étranger. Ils vont nous rire au nez et en plus s'ils diffusent un avis de recherche ça risque d'inquiéter les parents Mahogany. Et ça Lilian ne le veut pas. Lilian, mon Lilian.
Nous nous endormons l'un contre l'autre.