Fragment #26 – Tant pis

Charly a été libéré. Apparemment, la miss Collomb a réussi à le tirer d'affaire. Il a débarqué dans la maison en trombe, en surtension, et il s'est mis à grommeler tout seul, à ranger des affaires, à en déranger d'autres. Un vrai foutoir dans la boutique, pire encore que d'habitude. Il a dit qu'il devrait bientôt partir, quitter Dakar avant que M. Sankoun Mancabou lui cause encore des ennuis. « Pour aller où ? » je lui ai demandé. « J'en sais rien. », il m'a répondu.
Et moi, du coup, je commence à en avoir ras le bol, de ce vieux machin et de ses lubies, de rien comprendre à ses délires et de me faire un sang d'encre sans savoir pourquoi. Puisque c'est comme ça, je rentre en France ce weekend. Je prends deux billets à l'aéroport et je ramène Charly avec moi, comme ça je n'aurai plus à le chercher partout, et il sera plus en sécurité à Dijon qu'ici (si tant est qu'il soit vraiment en danger).
Je suis furieux, et le Dionysos me manque. Ma ville, mes rues, mon bar... Un coup de fil à Léonie m'a laissé comprendre que ça allait pas fort, là-bas, et qu'il fallait absolument que je rentre bientôt pour tout remettre en ordre. Déjà que ça marchait pas bien avant que je parte, mais là on doit carrément courir à la catastrophe.
Vite, l'aéroport, les billets. Il faudrait que je remercie la petite Charlie pour son aide, mais j'ai aucune idée de l'endroit où je pourrais la trouver, alors si on se dit pas au revoir, tant pis, il faudra se faire une raison. J'ai passé l'âge de me faire du mouron, parce que je sais trop bien comment les gens vont et viennent dans nos vies, débarquent sans prévenir et disparaissent aussitôt. On se dit qu'on se reverra, mais ça arrive jamais. Tant pis, tant pis, tant pis. Et merde, ça m'ennuie quand même, cette affaire. Elle était mignonne, cette jeune fille.
Tant pis.
L'Afrique, j'en ai ma claque. Je veux revoir mon pays.