Fragment # 161 – Défilé d'anti-mode

Mardi 11 novembre 2008
à Paris

17h26. Oh là crise. Imaginez-vous : vous avez été boire un café au bas de la rue avec votre meilleur ami, vous rentrez avec cet ami chez votre grande sœur qui vous héberge les weekends. Et là vous trouvez votre artiste de sœur en train de se forcer à sourire devant son miroir en tenue de combat. Une vraie tenue pour appréhender les tâches de gras et les commandes bizarres de clients étranges. La tenue de chez McDo. Vous ne pouvez qu'être hilare.
« Si vous continuez à rire, je vous étrangle. » Dit-elle laissant son sourire sur le miroir en se tournant vers nous.
Je m'excuse « Désolé c'est vraiment tordant »
Mais on s'esclaffe à nouveau dans de bruyants rire qui humidifient nos yeux. J'aime cette complicité qui nous lie. Surtout lorsqu'il ajoute, ce qu'elle semble ne pas apprécier autant que moi :
« Non mais... Ça te va bien hein...
- Très drôle, les mecs, vraiment.
-Dans la famille on a tous un uniforme. Maman des tailleurs, nous des tenues de pompiers, et toi... Toi... » De nouveau le miroir nous voit nous tordre de rire. Et Laura, appréciant autant notre reflet que le sien :
« Je vous déteste, ce truc est horrible.
- Ne t'inquiète pas, tu ne l'auras sur le dos que huit heures par jours
- Mais non, faut pas exagérer Alex, j'ai pas un emploi du temps aussi chargé... Enfin je crois.
- Oh tu sais, Julian ça lui arrivait de bosser plus de huit heures par jour hein.
- Merci de ton soutien, Lilian... »
J'essaie de faire la part des choses, de trouver une raison de lui montrer qu'on ne fait pas que se foutre d'elle.
« Dis toi que c'est une immersion dans un rôle. »
Mais la moquerie reprend le dessus : « Le rôle d'une employé de Mac do, trop la classe ! »
Notre dernier fou rire – devant elle - s'en suit.
« Y a mieux, comme rôle. Mais bon, c'est temporaire. Je suis venue à Paris pour faire du cinéma, pas pour préparer des hamburgers. »
Ma sœur employée chez le géant du fast-food. Une artiste au royaume du hamburger.
Sans rire, on va finir par être riche dans cet appartement. Entre la bourse de Simon, le job de Laura et ma solde de militaire il y a de quoi manger autre chose que des pâtes. En attendant on va avoir droit à des hamburgers et des patatoes. J'aime bien et ça, et je mange si peu de trucs gras et mauvais à la santé depuis que je suis rentré dans ce fort.
Au moment de nous mettre à table j'hésite de lui demander pourquoi elle ne fait pas le service avec sa tenue, mais je me ravise en croisant le regard de Lilian. Il a pensé à la même chose. On éclate de nouveau de rire. A sa moue, on jurerait qu'elle se vexe.
Je t'aime ma sœur, ne le prend pas mal.