Fragment #475 - En écrivant mon premier roman

Le temps est froid et la pluie maligne. Je me traîne jusqu'au métro, la tête rentrée dans les épaules. Ligne 5 à Oberkampf, pour changer à Place d'Italie et prendre la ligne 7 direction La Courneuve et descendre à Sully Morland, au bord de la Seine. Puis marcher un peu jusqu'à la boutique Les Quatre-Vingt Huit, au coeur de la petite Île Saint-Louis. Ouvrir la porte tandis que l'aube point à peine. M'installer au comptoir de bois, ôter mon caban et me sécher les cheveux avec une petite serviette. Ouvrir une clémentine et la manger dans le silence des vieux objets, le regard perdu dans le vague, fatigué. Je pense à Lola.
Mon esprit se réveille et s'aiguise pour cette nouvelle journée. Je sors mon cahier et mon stylo, afin de poursuivre l'écriture de mon roman, intitulé 'Charly', qui raconte les aventures d'un homme capable de devenir invisible, et qui passe sa vie entière à fuir une secte machiavélique. De temps en temps, je relève la tête, me perd dans d'autres pensées. Puis je replonge dans les eaux noires et brillantes de l'écriture. Parfois, je dois me lever, faire quelques pas dans la boutique, toutes mes pensées en mouvement pour dessiner dans ma tête la suite des événements, le mécanisme de l'intrigue. Je mêle la réalité de l'histoire que m'a raconté Louis a propos de son père, Charly Malvo, à cette de mon imagination : ce monde où les héros d'aujourd'hui sont des divinités perdues dans le 21ème siècle, entre mythologie antique et comic book.
Des personnages confrontés à leur nature surhumaine, qui doivent faire face à des attentats terroristes comme ceux qui ont eu lieu à Bombay il y a quelques jours, à la guerre en Irak, au combat contre les pirates au large de la Somalie...
Le soir, je rentre à l'appartement, rue Oberkampf, et je fais lire ce que j'ai écrit à Juliette. Elle dévore tout d'un coup, sourcils froncés, puis me rend mon cahier avec un sourire, hochant la tête, et me gratifiant d'un « c'est très bien, Julian ».
Pendant ce temps, on entend Sergueï s'adonner à des trips sexuels « no limit » avec ses partenaires d'un soir. Gémissements et grincement du cuir.
C'est amusant.