Fragment #18 - Face à un choix.

Le soleil s'est couché. J'ai passé la journée à effectuer des achats en prévision de mon retour à Amiens.
Roman ne va pas tarder. La table est dressée, les chandelles allumées, le service de porcelaine accordé à la nappe et au bouquet de roses rouges duquel quelques pétales partent jusqu'au lit. Dernière soirée, dîner d'adieux. Pour certains, Roman ne serait qu'un salaud, agrémentant son temps de quelques plans pour assouvir ses penchants gays. Moi je sais qu'il n'en est rien, pauvre garçon perdu, enfant désabusé essayant encore de rêver.
Il me reste une heure avant son arrivée. Assis dans un fauteuil je pense à ce jeune homme qui mourra demain si je ne fais rien. Je me demande comment ils vont s'y prendre, comment il va mourir. Va-t-il souffrir ?
Je sais que je suis lâche mais je n'ose pas appeler la police, après tout je suis déjà un meurtrier. Je ne veux pas reprendre une vie mais je ne peux pas laisser quelqu'un mourir juste pour préserver mon petit confort. J'ai voulu jouer, j'ai voulu savoir ce que Claire voulait de mon frère, maintenant il faut assumer.
Mon frère. Voilà ce que tu es devenu Thomas. Un vulgaire tueur, vendant son âme et ses capacités pour de l'argent. Avant, tu parlais de nobles causes, tu appartenais à l'armée, tu défendais un ordre démocratique, une idée du monde, une vision des choses. Maintenant tu n'es plus qu'une machine à tuer, à la solde du plus offrant. Je me demande ce qui a pu te changer ainsi, sûrement pas le décès de nos parents. Peut-être sentais tu déjà en toi cette soif de sang, ce besoin de tuer, cet instinct meurtrier. Aimes-tu cette sensation de pouvoir, de domination, lorsque tu prends un vie ?
Nous ne sommes peut-être pas si différents finalement.
Mais je ne serais jamais ton jumeau, et demain je le prouverai.
La porte s'ouvre sur mon amant, un grand vent vide ma tête de ces pensées ; lui, rien que lui pour la soirée.