Fragment #54 - Remise en forme

J’enfile mes baskets et quitte l’appartement. Le centre ville commence à défiler au rythme de mes pas. Mes jambes sont rouillées, le goudron agresse la plante de mes pieds. Mon souffle est correct mais je sens qu’il me faudra quelques semaines pour me refaire une santé. Quelques passants trainent encore dans les rues. C’est toujours un peu gênant de croiser des gens lorsque l’on fait du footing, tout du moins jusqu’à ce que l’on soit dans un lieu approprié à cet exercice. Une jeune fille me sourit au passage et j’y réponds malgré moi.
Je suis heureux. L’air est frais, vivifiant et mon esprit se vide petit à petit de ses soucis. Je me concentre sur ma respiration. J’inspire, j’expire. J’inspire, j’expire. J’inspire, j’expire.
Je passe devant la cathédrale, la plus belle et la plus haute de France, son satutaire est intact malgré les guerres qui ont ravagées le nord de la France. Je continue vers la fac de droit et oblique vers la place du Don, centre du quartier festif d’Amiens. Heureusement, il est dix-neuf heure, et il fait froid. Je n’aurais pas apprécié devoir traverser cette place un vendredi soir à la même heure.
J’arrive rapidement au parc Saint Pierre situé juste derrière.
Ce parc est un petit miracle au cœur de la ville. Immense, avec de grandes pelouses, un terrain de basket et un lac, c’est une bouffée d’oxygène pour des citadins avides de nature. C’est aussi un lieu de drague gay réputé… Mais je ne suis pas là pour ça ce soir.
Mon souffle est posé, je n’y pense plus. Ma foulée s’est allongée mais je prends garde à ne pas accélérer. Je ne voudrais pas devoir m’arrêter trop rapidement. Quelques joggers tournent également dans le parc, la plupart fonctionnent en tandem.
Mes pensées disparaissent et seul reste le calme de la course ainsi que la douleur qui petit à petit grimpe le long de mes jambes. Le temps s’écoule lentement, les oiseaux chantent dans les arbres et les canards caquètent. Si je m’installe à Paris, des lieux comme celui-ci vont me manquer.
Je m’arrête et commence mes étirements pour que l’acide lactique s’écoule de mes muscles. Petit à petit le froid me saisit et m’engourdit. Il est temps de rentrer, à toutes petites foulées.
Je repars avec, au fond de mon cœur, un sentiment de nostalgie pour cette ville que je n’ai pas encore quittée.