Fragment #78 - S'endurcir

Kokhavah, dans ses bras, pleure sans discontinuer. Lola a les yeux rouges et des cernes sous les yeux. Elle me dit que Julian a disparu dans la nuit de samedi à dimanche, qu'il est parti sans rien dire après le refus des éditeurs chez qui elle travaille de publier son livre, et qu'il n'a pas donné de nouvelles depuis. Elle me dit qu'elle a peur, qu'elle ne sait pas quoi faire, qu'elle est à la fois inquiète et en colère. Je venais chercher un asile auprès de mon frère (car depuis ce qui s'est passé l'autre nuit avec Nicolas et Matthieu, j'ai fui chez Anthony -ce garçon qui m'avait donné son numéro dans la rue- et je ne réponds pas aux appels de mon ancien hôte) mais de toute évidence Julian a d'autres soucis en tête.
Lola me montre une lettre, adressée à son fiancé, qui menace de faire du mal à leur fille s'il ne se rend pas le 7 au soir dans la rue Elzévir, dans le 4ème arrondissement. Toute présence suspecte, autre que celle de Julian, entrainerait des conséquences douloureuses sur la petite. Lola, terrifiée, n'ose pas appeler la police, et se demande si elle doit retourner à Dijon.
Je prends la lettre avec moi, et quitte la résidence du 7 rue Oberkampf. Où est-ce que Julian a bien pu encore se sauver ? Où faudra-t-il que je le récupère, cette fois ? Dans quelle grande ville d'Europe ? Et dans quel état ? Est-que ses personnalités mutines ont repris le contrôle ? Est-ce qu'il sait que quelqu'un menace sa fiancée et sa fille ? La dernière fois que j'ai vu une lettre annonçant un mauvais présage, je ne l'ai pas prise au sérieux, et mon petit ami a perdu la vie. Je jure devant ce Dieu auquel je ne crois pas que jamais je ne referai la même erreur. Jamais. J'ai quitté Dijon pour oublier ici ces horreurs, commencer une nouvelle vie. Mais le petit fleuriste, le soir venu, est violenté par ceux qui l'hébergent. Alors, maintenant, le petit fleuriste n'a pas grand chose à perdre : il doit s'endurcir. Anthony finira lui aussi par exiger un paiement sexuel en échange de son hospitalité, ce n'est plus qu'une question de temps.
J'ai sauvé Julian une première fois de sa folie, et je recommencerai. Je suis celui qui doit le faire, parce que je suis le seul à m'en préoccuper. Demain soir, je me rendrai rue Elzévir pour rencontrer l'auteur de cette lettre malfaisante. Qui qu'il soit, je le confronterai.