Fragment #44 - Cette couleurs

« Atchiaaaah !!!!
- A tes souhaits.
- Berci... »
Je me sens comme un enfant. Le chat s’est enroulé sur mon ventre et me sert de bouillotte. Michelle a failli m’achever en imitant Louis grogner au téléphone, rire énerve dans ma tête une douleur torrentielle. Elle le fait si bien. C’est vrai qu’il arrive à Louis de grogner lorsqu’il ne sait pas comment dire ce qu’il pense tellement fort. Un grognement est le son d’une pensée longue de plusieurs kilomètres, dessinant un point d’interrogation tremblotant. Comme pour tous les bars de la Terre le vendredi est un gros jour pour le Dionysos, alors forcément, quand Michelle l’a appelé pour lui énumérer les symptômes qui me clouaient au fauteuil de l’harmonieux salon, Louis a grogné.
Michelle ne veut pas que j’aille voir un médecin demain.
« Il n’y a pas que les antibiotiques qui ne sont pas automatiques ! Tiens, bois ça et après je te sers un chocolat de minuit, sourit-elle. »
La mixture est violemment odorante. C’est une sorte de soupe à la couleur très aléatoire. Ca me rappelle un livre... pour enfants. La petite fille avait volé une recette à un sorcier, pour devenir invisible, et la potion qu’elle avait pu préparer avait cette même couleur. On devrait dire cette couleurs. J’étais jeune, je me rappelle surtout des dessins. Or là, comme dans tous les livres pour enfants, les dessins étaient très explicites et colorés.
La maisonnette de Michelle est comme un livre pour enfants. Moi je ne suis pas devenu invisible. Et j’ai gagné un chocolat chaud. Le chat a lapé une fois dedans et m’a fait une grimace étrange, à la manière d’Astérix lorsque sa moustache frise sous l’effet de la potion magique. Michelle n’est pas druide. Alors si jamais demain matin je me sentais mieux, je préférerais attribuer ce miracle au chocolat chaud de minuit. Sauf qu’elle n’en a jamais préparé un seul devant moi.