Fragment #220 – Encore

Jeudi 22 octobre 2009
à Paris

23h46. ...Je vois déjà les yeux mais ils s'enfuient toujours. Courez. Mais courez donc ! Que je ne vous vois pas mourir. Je ne vais pas bouger. Je ne vais pas bouger et vous regarder vous enfuir. Une fois que j'aurai terminé de ne pas bouger j'ouvrirai les yeux et je verrai. Je verrai. Je verrai. Qu'est-ce que je verrai ? Je me concentre mais je ne vois rien. Je ne vois pas ce que je verrai plus tard, ni même ce que je devrais voir en ce moment. Je vois juste du noir. Du noir qui... BroouumAaahhhh ! Je suis projeté en avant. Les mains plaquées au sol, les genoux à terre, je tourne la tête sur le bolide qui vient de me renverser. Un gros camion qui fait pin-pon. Tiens il y a donc du bruit dans le noir? Ah non. Je ne m'entends même pas parler. Penser ? J'aurais pourtant juré qu'il y avait eu du bruit. Y a-t-il quelqu'un qui entende quelque chose ? Y a-t-il quelqu'un tout simplement ? Si quelqu'un se contente de penser ici, qu'il me fasse signe. Même par la pensée, s'il ne veut pas parler. Que n'ai-je pas dit là ! Au moment même ou je termine ma phrase -dans ma tête, ou très fort ; voire très fort dans ma tête -une lumière s'allume. En m'approchant un peu, je vois se dessiner l'éclairement sur le fond toujours noir de l'environnement. On dirait un projecteur braqué depuis le haut sur le sol. Oui il y a un sol. Noir. Comme le reste. Dans ce halo, comme une soliste sur scène s'approchant de son micro, il y a un singe. Je le reconnais immédiatement. La mémoire me fait défaut pour le nommer, mais je le reconnais. Je l'ai vu pour la première fois il y a exactement cent vingt-sept ans. Ou peut-être un peu moins. En tout cas c'était dans un dessin animé que nous regardions en famille. C'est le vieux singe sage dan Le Roi Lion. Ses paupières sont fermées. Je m'assois en tailleur face à lui. Il est debout et tiens sa canne dont les contours particuliers me semblent très familiers. Il va me dire quelque chose, tenir une bonne parole, m'aider. J'espère. Soudain il se sauve en courant. Je me redresse surpris. Il est poursuivit par le renard au dos de feu.

Y a-t-il quelque chose que je dois comprendre ? En tout cas ça commence à m'énerver de me réveiller toutes les nuits. Ou plutôt de me faire réveiller par un rêve sans queue ni tête. Il y a bien quelques variantes de temps en temps, mais la base reste la même.
Je pousse la porte de la chambre de Laura. Elle dort profondément. Je l'envie. Peut-être ne suis-je pas assez fatigué ? Peut-être ... je ne sais pas moi, je ne suis pas rêvologiste ni rêvologue ni quoi que ce soit qui attrait à la rêverie !
Je me recouche en grommelant dans ma barbe.