Fragment #134 - Compte à rebours

Tout a une fin. Le ruisseau qui coule dans son lit, la feuille froissée qui s'accroche à sa branche malgré le vent d'automne, la fleur dans son vase qui illumine une pièce.

Tout se termine, tout s'achève. On ne sait pas vraiment quand le compte à rebours a commencé. Dès la naissance, à la fin de la croissance, au moment où l'on en prend conscience ? Chaque moment qui passe disparaît, évanoui dans le temps, vestige à demi effacé, sauvegardé dans nos mémoires matérielles ou virtuelles.
A-t'il seulement existé, cet instant que je crois avoir vécu ? L'image que j'en garde est infidèle, galvaudée, faussée. Cette existence que je croyais unique s'effacera bientôt des mémoires pour rejoindre le néant dans lequel ma conscience a déjà été absorbée.

Fermer les yeux et imaginer. Ne même pas savoir qu'on a existé. Ce n'est même pas le noir, car pour qu'il y ait du noir il faut une conscience. C'est l'absence de conscience, l'absence de souvenir, l'absence de pensée, l'inexistence.
Être mort c'est être absent. Absent pour les autres mais également pour soi-même.

La feuille se décroche, le ruisseau s'assèche, la fleur se fane. Qui s'en soucie ? On agonise tous les jours, on meurt une fois. J'en crève. Qui s'en soucie ?
On perd un animal, on est triste. On le remplace et la douleur s'efface. Si seulement je pouvais faire de même avec les gens... Pourquoi les rendre unique ? La mémoire humaine est infidèle, par conséquent le cœur humain aussi.