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 Fragment #199 - Nostalgie du temps qui passe

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Altaïr

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MessageSujet: Fragment #199 - Nostalgie du temps qui passe   Fragment #199 - Nostalgie du temps qui passe Empty11.04.08 14:27

Mardi 3 avril 2007
à Dijon

La fille est brune et plutôt jolie. Infime piercing sur le nez comme une minuscule étoile d’argent. Chignon fait à la va vite, éclaboussant de mèches désinvoltes le pourtour de la petite boule de cheveux à l’arrière du crâne.
« Cette publicité sexiste m’agraissait, je l’ai donc arrachée ; faites comme moi ! C’est ça qu’il y avait écrit. C’était un de ces panneaux comme on en trouve sur chaque arrêt de bus, sauf qu’il n’y avait pas d’affiche, juste ces mots écrits au marqueur violet, vite fait.
- J’ai vu ça aussi, dis-je en m’insérant dans la conversation.
- Ah oui ? s’exclame la fille en se tournant vers moi. C’est plutôt bien, hein ? Y en a marre de montrer des femmes à poil pour un oui et pour un non. Même pour vendre des perceuses, ils ont besoin de montrer des seins, c’est dingue ! Marre de ce machisme ambiant, toute cette hypocrisie, et vivement qu’on l’aie enfin, notre parité ! Ca fait plaisir de voir que des gens se bougent.
- Mouais, je réponds en baillant, mais bon, on peut pas non plus se permettre d’arracher une affiche sous prétexte qu’elle nous agresse en tant qu’individu… Et cet appel à faire pareil, je trouve ça complètement nul, si on faisait tous ça, on irait où ? Il me semble que Kant…
- Oh, m’arrête Louis, tu vas chercher bien loin là… »
Je me tourne vers le patron et lui lance un regard noir. Pourquoi arrêter une conversation sous prétexte que j’ai eu le malheur de citer un philosophe qui, en terminale, je me souviens, m’avait vraiment marqué ? Ca devient trop intellectuel, c’est ça qui vous dérange ? Votre bêtise est insupportable.
Agacé, je me dirige vers les deux clients qui viennent d’arriver. Il y a une fille, et puis un garçon. Et ce dernier occulte complètement sa compagne de mon champ de vision. Il fait beau, il fait chaud. Je regarde son visage de lycéen à la peau tendre et fraîche, comme on convoite avec appétit un morceau de viande saignante. Son look qui baille et son allure décontractée, ses bras de jeune homme imberbe aux veines saillantes, sa bouche légèrement entrouverte à la manière des jeunes chiens qui ont soif. Et de ses cheveux bruns en désordre jusqu’à ses baskets abîmées, tout excite en moi une pulsion sauvage, un vif désir de rentrer en lui, de m’insérer dans sa chair et d’y exploser. Durcissement.
Ils commandent un demi. Je prends note et retourne derrière le comptoir, où la discussion a pu s’épanouir à son ridicule petit niveau. Mon cerveau fulmine à l’encontre de Louis, plus encore que contre cette fille jolie, mais stupide.
Le temps du lycée me manque. Nos cours de philo, notre envie de dehors, de regarder le monde fleurir, notre air continuellement blasé, allongés dans l’herbe irisée de soleil. Mathieu et Nalvenn qui flirtaient dans leur coin, tandis que je refaisais le monde avec Sylvain en rêvant à ces douces années de fac qui nous tendaient les bras. Et Cathy qui impulsait les fous rires entre amis, ces instants qui nous font oublier tout ce qui est, a été et sera, nous coupe du temps et cristallise un bonheur inconscient et savoureux. Aujourd’hui mes amis sont partis, et je dois trouver un nouvel appartement, car sans l’argent de Papa, je ne pourrai plus continuer à vivre dans un des immeubles les plus chers de Dijon comme un petit enfant gâté. Est-ce que ma paye au Dionysos suffira à payer un loyer plus précaire ? Je n’en sais rien, je n’y connais rien. Mais il est hors de question de retourner avenue Victor Hugo.
« Tu es vexé ? »
Je relève la tête, Louis me regarde ; la féministe est partie. D’un geste machinal, je prépare les demis sans lever les yeux vers lui.
« Excuse moi, reprend-il, j’ai jamais aimé Kant. Enfin j’en sais rien, disons que ça m’embête d’adhérer à ses idées. J’aurais préféré être un hédoniste accompli. »
Et voilà, je me suis encore planté. Peu importe. Au lycée déjà, nous ne parlions jamais de philosophie. Tout au plus un peu de politique, histoire de faire comme les grands. Rien ne saurait égaler les sommets intellectuels que nous atteignions, dans le Clan, avec Maya, Sethi, Sylvia et les autres.
Je regarde le lycéen.
Le passé me manque.
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