Fragment #32 - Un retour en arrière...

Je suis en cours, en linguistique française même. J’aime ce cours d’habitude. Même s’il est un peu technique et me rappelle trop les maths que je fuie autant que je peux, le prof est intéressant et plutôt vivant. Mais cette fois je n’arrive pas à me concentrer, mon esprit est absorbé par Julian, ces nuits passées avec lui, ces ombres qui traversent son visage parfois.
Je sais qu’un monde complètement différent du notre vit en lui, mais j’ai l’impression que quand il est avec moi, il oublie un peu ces ténèbres pour se laisser porter par les sentiments, de plus en plus forts, qui nous enveloppent. J’aime me dire que peut-être, je le soulage un peu. Que peut-être je suis un petit rayon de soleil dans cette noirceur qui s’empare de lui.
J’arrive peu à peu à prendre mes marques auprès de lui. Je le sens tellement doux, tellement prévenant, attentif. Finalement, on va peut-être devenir ce « vrai couple » qu’il évoquait en voyant Nalvenn et Seb ! Je sais qu’il me faudra encore un peu de temps avant d’avoir complètement amadoué ce félin sauvage, mais j’aime l’idée d’y arriver, j’aime l’idée qu’il puisse avoir besoin de moi.

Je note un mot sur ma feuille, puis deux. Juste histoire de faire semblant… Je n’écoute rien. Je regarde l’heure sur mon portable : 10h49, courage Lola !
Au moment où j’allais le reposer, vibration dans ma main. Je souris malgré moi, je te manque déjà mon Julian ?
J’ouvre le message : Message reçu de Ludo…
Mon sourire tombe instantanément et un éclair d’adrénaline me parcoure. Je n’avais pas eu de nouvelles de lui depuis notre rupture…

Je lis le message :
« On ne peut pas couper les ponts comme ça, pas après tout ce qu’on a vécu. Tu veux pas passer à Paris ce week-end, y’aura mon pote que t’aime bien, Pierre… »
En quelques mots, je me retrouve des mois en arrière. Je me souviens de tout comme si on venait de m’injecter une disquette dans la tête. Nos délires, nos jeux débiles, son départ, nos étreintes, ses caresses, son corps… Je ressens comme un malaise. Je me demande ce que cache exactement ce message, et je me demande ce que veux dire ce tremblement dans mes mains en lisant ces mots.
Et puis après tout, nous avons été potes avant de nous aimer… C’est vrai, pourquoi tout oublier comme ça ? Je suis sûre qu’une amitié est encore possible, et puis ça me fera plaisir de prendre de ses nouvelles. Et puis il a raison, j’adore son pote Pierre, il a toujours été super gentil avec moi.
Sans que je m’en sois rendue compte, l’amphi a commencé à se vider, le cours est fini. Je suis les filles après avoir rangé mes affaires.
« On va à la BU, tu viens ?
- Heu…allez-y je vous rejoins, j’ai un coup de file à donner avant.
- Ok, on sera à la même table que d’habitude, a tout de suite ! »
Je m’éloigne et me trouve un petit coin tranquille. Je compose le numéro de Ludo sur mon portable, mes doigts connaissent encore le chemin par cœur…
« Allô Ludo… C’est Lola.
- Oui, je sais, j’ai vu ton numéro s’afficher…
- Ah… heu… ça va ?
- Oui et toi ?
- Ca va oui… je sors de cours là.
- Tu as eu mon message ?
- Oui, d’ailleurs c’est pour ça que je t’appelle… Il y a quelque chose de prévu de spécial pour ce week-end chez toi ?
- Bah, pas spécialement, Pierre m’a juste dit qu’il passerait… donc si ça te dit !
- Bah… Pourquoi pas oui… Il dormira avec toi, et moi je mettrai un matelas par terre d’accord ?
- Oui, oui, rassure toi, c’est en tout bien, tout honneur !
- Alors… c’est d’accord !
- Tu arrives vendredi soir, comme au bon vieux temps ?
- … Heu… vendredi soir oui.
- Ok, je viendrai t’attendre… Bonne fin de journée Lola !
- A toi aussi, bisous. »
Je prends le chemin de la BU pour rejoindre les filles. Je me sens légère. Je sais que rien ne se passera avec Ludo ce week-end. Il a l’air d’avoir bien compris que c’était fini, et puis il y aura Pierre… Je suis sûre de moi ! J’aime Julian… C’est ma certitude première, et rien ne changera ça.
Mais je déchante quand je me demande comment je vais pouvoir annoncer ça à Julian. Je sais qu’il n’aime pas beaucoup Ludo… Tout comme je n’aimerais pas beaucoup ses ex (si je connaissais quelque chose de son passé bien sur !).

Mais je vais le rassurer, un petit week-end entre potes, rien d’autre !

Rien d’autre…