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 Fragment #55 - Le Dernier Jour

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Altaïr

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MessageSujet: Fragment #55 - Le Dernier Jour   Fragment #55 - Le Dernier Jour Empty09.04.08 17:43

Mardi 15 août 2006
entre le Kremlin Bicêtre et Paris

Me revoilà avec toutes mes petites affaires dans l’appartement de Nathan. Je pose ma valise dans un coin, sans l’ouvrir, car désormais mon temps ici est compté. Je m’installe sur le canapé, ce cuir dans lequel j’ai imprégné la trace de mon séjour, par ma chaleur et ma sueur. Nathan n’a pas quitté son poste, devant l’écran. Je suis assis sur le canapé, je ne bouge pas. J’ouvre mon cahier.
Voilà plus d’une demi-heure qu’il attendait devant la boîte, sans trop savoir pourquoi. Les vapeurs de l’alcool et leurs troubles sur son esprit commençaient à se dissoudre lentement. Gautier plaqua son dos contre un mur, ferma les yeux et se laissa glisser. Il se demanda s’il ne devait pas retourner chercher Julian, car plus personne ne demeurait dans la boîte de nuit, mais il s’y refusa, car il savait ce qu’il y trouverait, et rien ne l’y préparait.
Je regarde l’appartement de Nathan, silencieux, à peine troublé par l’imperceptible cliquetis du clavier. Sur les murs, mes yeux vitreux revoient Paris, le temps d’un été chargé. Mes atours de dieu ne peuvent rien face à ce flot de mélancolie nostalgique. Car déjà je le sais, je le sens, la fin approche.
Gautier sentit que la fin était inéluctable, et c’est pourquoi il poussa la porte. Derrière, il trouva les deux corps emmêlés, noyés dans une bulle de désir. Et il s’éloigna sans rien dire, sans même leur faire savoir qu’il les avait vu. Du coin de l’œil, Julian le regarda s’éloigner. L’imprécation avait fait son œuvre. Amère satisfaction.
Mieux vaut avoir des remords que des regrets, car le remord a un goût amer, et le regret n’en a pas du tout. J’ai cette saveur dans la bouche. Pire encore que la gueule de bois, que toutes ces gueules de bois que tu m’as offert, Gautier, j’ai un goût de dégoût dans la bouche. Je ne te méprise pas autant que je ne me méprise, désormais. De mes atours de dieu, il ne reste que des lambeaux sanguinolents, collé à son corps, son corps de Démon Jouisseur. Nathan me dit qu’il a trouvé un train pour moi dès le lendemain. Ceci est mon dernier jour. Je voudrais le savourer tout entier, comme ces deux mois passés dans la capitale, mais les dernières miettes du gâteau, celle que l’on récupère avec les doigts collants de salive, n’ont que peu de goût, et l’amertume a investi mon petit intérieur buccal. Vient le soir, et l’envie de bouger, de ne pas rester là, assis sur ce canapé, à ne rien faire, à perdre du temps, ce temps précieux qui s’écoule comme le sable d’un sablier trop hâtif. Je me rend à la boîte de nuit où Gautier m’emmenait chaque soir. C’est le lieu de Paris où j’aurai le plus de souvenirs, finalement. Mais mon allure de dieu est déchiquetée, et le videur m’invite cordialement à ne pas rentrer. Je me retrouve devant, à côté de la file d’attente, un peu idiot sans doute, avec l’envie de crier « c’est moi ! », mais sans pouvoir. Car le temps des imprécations est achevé, et je ne suis pas un dieu. Je ne peux pas, comme Arthur, jeter la peste sur ces gens, ce défilé de masques vides qui me jettent face à mon propre vide, au néant de mon orgueil et de mon jeu de vaines apparences (ai-je réellement vaincu le miroir ?). Gautier, dans la file d’attente, passe sans me regarder, au bras d’un autre homme que moi. Et je sens les larmes monter en moi, m’envahir, sans couler. Mes yeux restent secs, secs comme ce cœur qui est le mien, vide et endurci par ma fierté de pierre. Je dérive, je m’égare. Je me retrouve sur le bord de la Seine, les quais qui m’ont accueilli à la fin du mois de juin, quand l’air ne frissonnait pas encore, quand je ne pensais pas encore que tout ceci allait se produire, et que je me retrouverait ici, au même endroit (car c’est bien là que se trouvent mes souvenirs de Paris), moi sans être moi, et pourtant tellement toujours moi. Tu n’auras pas mis longtemps à me remplacer… N’étais-je donc rien d’autre qu’un masque de plus pour ta collection ? Un nuage de colère gronde en moi, mais les larmes ne coulent toujours pas. Non, je ne suis pas un dieu. Je suis un homme, seul face à ces tonnes et ces tonnes et ces tonnes de litres d’eau ocre charriées par une véritable déesse, divine Seine, mère de mon inspiration. Je prend un caillou dans ma main, cette même main au poignet de laquelle se trouve le petit bracelet aux couleurs de l’arc-en-ciel que m’a offert le DJ, le Démon Jouisseur, après notre ébat, unique vestige de la toute puissance de l’inutilité. J’y déverse ma haine, ma colère et mon chagrin, ces trop-pleins de sentiments qui affligent mon trop petit cœur. La pierre semble se gonfler en s’imprégnant de ce mélange et, de toutes mes forces, je la jette dans l’eau, sans faire le moindre ricochet.
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Fragment #55 - Le Dernier Jour
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