Fragment #45 - Arrivée en Ecosse

L'avion m'a déposé en Ecosse, et j'en sors avec ma valise, aussi dépaysé que lors de mon voyage en Afrique en octobre dernier. C'est quand même fou : je n'ai pas quitté la France pendant près de cinquante ans, et en moins de six mois je prends deux fois l'avion pour partir à l'étranger. Ce qui est agréable, c'est que j'ai vraiment laissé tous mes soucis en France. Je fais confiance à mes petits serveurs pour s'occuper du Dionysos correctement pendant mon absence, et je pense moins à Lullaby qu'à la jolie Sylvie Firent. Charlie et Steve sont venus me chercher à l'aéroport et m'accueillent chaleureusement. Ils me conduisent en voiture jusqu'à leur appartement, en me parlant de leur ville : là, un pont qui a failli lâcher l'an dernier, là, une université aux allures de château, et à tous les coins de rue, des jeunes filles réchauffées pas très vêtues, alors qu'il fait gris et froid. C'est une jolie ville, Glasgow, avec du vert un peu partout. Une ville qui respire. Pas comme ces métropoles hérissées de grattes-ciel, non.
Nous arrivons dans un petit quartier sympathique, et descendons de la voiture. L'immeuble a trois étages et Charlie et Steve vivent au premier. L'appartement est un nid charmant et douillet, bien aménagé, couleur chocolat et framboise, et crème. Ils ont du goût, ces glaswegians.
« Eh ben les jeunes, je lâche, vous avez un chouette appartement là... 
- Merci, répond Charlie en rougissant. »
Elle me fait visiter un peu, me montre la chambre où je vais dormir. Apparemment, c'est l'ancienne chambre de Steve. Je m'assieds sur le lit, et annonce que je vais défaire ma valise. Comme ça, ce sera fait. Steve rejoint sa fiancée et me demande en l'enlaçant :
« Louis, est-ce que ça plairait vous de manger au restaurant, ce soir, avec nous ? »
Son français s'est amélioré depuis notre rencontre à Dakar et notre conversation au téléphone, mais il garde un fort accent anglais. Comme je ne parle pas sa langue, je réponds, un peu gêné :
« Bien sûr, yes, yes, ça me plairait ! »
Steve sourit. Ca a l'air de lui faire plaisir. Charlie aussi. Ils sont beaux, tous les deux. Je me demande un peu ce que je fais ici, tout d'un coup, mais cette pensée est aussitôt chassée par le fait que je me sens bien, et qu'ils n'ont pas l'air gênés le moins du monde par ma présence, bien au contraire.
« Je vais vous laisser vous installer, me dit Charlie en s'éloignant avec Steve, qui est parti téléphoner pour réserver une table. »
Je reste un moment sans bouger, le regard dans le vague, puis lance :
« Merci Charlie, merci Steve, thank you very much... »
Et j'entends Charlie me répondre, avec sa voix amicale et souriante :
« You're welcome, Louis ! »
Je souris à mon tour, serein. Place à la détente.