Menkalinan
| Sujet: Fragment #9 - Pathologie de Noël 24.12.08 20:11 | |
| Mercredi 24 décembre 2008 à Angoulême Le cacao se mélange au lait chaud en de minces traînées brunâtres. Les quelques grains du sucre que je saupoudre avec nonchalance viennent se rajouter à la confusion de texture. Je tourne lentement la cuiller, regardant avec attention cette fusion de matière, et lui trouve un air de mini-galaxie coincée dans une tasse à chocolat. Le monde est si petit ! Je regarde ma montre : 16h32. Elle n'est toujours pas là, je l'attends en observant les gens qui se bousculent au-dehors. Cette foule qui s'amasse pour les derniers achats me donne la berlue. C'est hallucinant comme les gens ne sont pas prévoyants mais prévisibles. Chacun a hâte de rentrer chez soi, de savourer les moments passés en famille, d'en finir avec la frénésie, aussi tout le monde se dépêche, se presse, et enfin, mais que fait-elle ? Car moi aussi je veux partir. Je songe à ce soir. J'ai hâte de revoir ma petite tribu, comme j'aime à l'appeler. Cinq frères et sœurs, six en me comptant, mes parents et mes quatre grands-parents. Je soupçonne mes parents d'avoir voulu créer une famille nombreuse en réaction à leur statut d'enfant unique. Ma mère, particulièrement, qui a souffert d'un manque d'affection de la part de ma grand-mère. C'est pourtant de cette femme qu'est venue une partie de moi. C'est une Allemande, un vraie, comme on se les imagine : grande, blanche, bien bâtie, la carrure qui impose et une réserve à toute épreuve. Elle n'a jamais été franchement affectueuse, et je le ressens sur le comportement de ma mère, qui reproduit le modèle parental dans une moindre mesure. Tout le monde sera sur son trente-et-un, histoire de, à manger du foie-gras, de la dinde et des marrons. Repas traditionnel français, agrémenté des Lebkuchen allemands qui sentent la cannelle. J'ai hâte ! La porte du bar s'ouvre de nouveau, il est 16h44, et je ne peux m'empêcher de lever les yeux, m'attendant à voir enfin Cathy apparaître. Non, ce n'est pas elle, c'est un jeune homme, et je suis saisie d'un tremblement inexplicable. Il est immense, doux, ses joues rougies par le froid lui donnent une aura inouïe de couleur neige. Je le vois parcourir la salle des yeux, baissent les miens par pudeur, les relève aussitôt, j'ai le cœur battant. Une vague bleue se propage de mon bas-ventre à l'ensemble de mon corps, encerclant mes organes d'une étreinte agressive. Des ondes frissonnantes me paralysent, c'est du stress qui arrive et je ne comprend pas pourquoi. J'ai un mal de ventre de chien, les gorgées de chocolat que je viens d'avaler me semblent écœurantes, les effluves de cacao m'incommodent. Je le vois parler, il sourit, et il est tellement beau, habillé de son sourire, que ça me renverse, m'indispose encore plus. Je sens qu'il faut que je parte, c'est plus que je ne peux supporter. "Coucou ! Désolée je suis en retard. - Ah, salut ! Joyeux anniversaire Cathy !" | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #9 - Pathologie de Noël 25.12.08 0:45 | |
| Magnifiquement écrit, et wow, elle est sensible, notre Marie :) | |
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