Fragment #137 - Le fil qui étrangle mon abdomen

Il repose sa tasse si brutalement qu'une tache de café atterrit sur son poignet.
« ¿Qué ?
- Me voy a Londres.
- Sylvia. Escucha. Es Navidad mañana. Tu madre y tus hermanitas... ¡ Jóder ! ¿ Piensas en otras personas que tí mismo, a veces ? ¿ Qué voy a decir al director de la agencia ? »
Je crois bien que je ne l'avais jamais vu s'énerver. La veine sur sa tempe bat bizarrement.
« Sólo dígale que.... Que puede encontrarme en la tarde, o mañana. »
Soupir. Il se recule un peu, appuie son dos contre la chaise. Croise les bras. Tu as bien grandi, Marco. Mais cette façon de capituler t'a suivi fidèlement pendant toutes ces années.
« Ok, pretty girl, le diré. »
Je me lève en lui disant que je dois rentrer. Lui pince la joue comme à un gosse en lui murmurant « Gracias, good boy ».
Les trottoirs grisonnent sous mes pas. Londres. C'est ce fil, ce fil qui nous relie étrangement, celui qui m'avait déjà amenée en France. Il me tire par le nombril si bien qu'en restant ici, j'ai mal au ventre.
Remonter le fil. Il m'aura fallu du temps pour comprendre, Nathan ; et maintenant je ne veux plus rien en travers de mon chemin pour suivre la trace. En parlant de trace, je me demande si mon ancien dealer est encore en vie. Au moment ou mes doigts effleurent mon portable pour retrouver son numéro, il se met à vibrer.
Demain, 17h, à l'agence.
Bon, qu'est-ce que je faisais ? Tu cherchais de la drogue, et les mots pour annoncer à ta mère que tu pars. Ma mère s'en fout, elle m'en veut depuis que je lui ai dit que j'étais malade. Ta mère t'aime, elle a mal pour toi. Personne ne m'aime, à part peut-être mes petites soeurs qui ne me connaissent pas vraiment. Je ne suis chez moi nulle part et je n'ai d'endroit où me blottir quand la vie est trop froide.
Sur le trottoir d'en face, une petite fille réclame un calin à sa mère, qui la prend aussitôt dans ses bras. Je resserre mon écharpe avec des doigts tremblants.