Alnitak
| Sujet: Fragment #4 - Brèves de parloir 14.04.08 15:40 | |
| Mardi 2 octobre 2007 à Paris « Franchement, Gab, je sais que je te manque cruellement, mais c’est plus possible. On peut plus continuer à se voir comme ça. » Le commandant de police hilare qui vient de me faire sa déclaration s’appelle Martin Briteule. Trente cinq ans, bedonnant, marié depuis trois ans et déjà papa de deux petite filles plutôt chouettes. Il aime le pinard de qualité, la cuisine française, le cinéma d’art et d’essai et le ball trap (cherchez l’erreur). Je connais tous ces petits détails de sa vie parce qu’il me les a lui-même raconté lors de nos longues soirée passée en tête à tête dans les salles d’interrogatoires de la BAC de Paris ces dernières année. Du seuil de son nouveau bureau, il me regarde de l’autre côté de la cage qui occupe le centre du commissariat central. « Salut Martin, ca fait plaisir de te revoir. » Puis je lève mes mains menottées. « Tu m’excuses si je te serre pas la main. » Lui se rapproche animé d’un rire nerveux. « Gabriel Michaele Vincent, je croyais pourtant que t’avais quitté le secteur. T’étais passé où ? - En vacances, un peu partout. - Laisse moi deviner : ça fait pas quarante huit heure que t’es rentré ! - Comment t’as trouvé ? - Il t’a jamais fallu plus longtemps que ca pour te mettre dans la merde. » Je souris, et il marque un point. C’est à ça qu’on reconnait les tauliers chez les condés. Ils sont physio, ont une mémoire d’éléphant, et un sens aigu du dialogue. On reprend l’échange de courtoisie : « Et pourquoi t’es là cette fois ? Deal ? Petite arnaque ? Braquage de vieille ? - Coups et blessures sur videur de casino. J’ai décidé d’innover ce soir. - Avec ou sans armes blanches ? - Queue de billard. - Pas ton mode opératoire habituel ça… - Je suis en pleine phase d’improvisation créatrice ces temps-ci. » Il termine de se marrer puis repasse en mode sang bleu. « Allez, trêve de causette, on se lève, on sort et on va prendre le café dans mon bureau. » Claquements de porte. « Bon, c’est quoi ces conneries ? - La vérité Martin. Je suis parti bosser au Cercle Clichy – Montmartre en début de soirée. Besoin de liquidités pour l’installation. Je reste cinq heures sur le flop et je repars avec douze mille euros, plutôt content, quand le grand singe poilu m’arrête devant l’entrée. Il voudrait savoir si je souhaite pas parler au patron derrière. Moi tu me connais, poli comme tout, je décline gentiment l’invitation et je passe à la caisse pour récupérer l’oseille. Ni une ni deux, il voit rouge et envisage une droite par derrière, j’ai esquivé et répondu. Ca lui a pas plu et en moins de temps qu’il ne faut à une jeune étudiante en chaleur pour faire péter son string, on s’est retrouvé enlacés sur une des tables de billard à se mettre des grands coups dans la gueule. C’était mignon tout plein, comme un épisode de trente millions d’amis, mais en moins gore tu vois ? - Et la queue de billard, elle a fini dans tes mains toute seule ? - Le feu de l’action Martin, j’ai pas réfléchi. Et puis il avait vraiment une sale gueule. D’une certaine façon je lui ai presque rendu service, en fait. - Fait moi le happy end, comment tu finis dans la cage ? - Dugland avait des copains baraqués qui voulaient remettre ça, c’est moi qui vous ai appelé pour les calmer. J’aurais même pas du me donner la peine, la serveuse s’en était déjà chargé. Une petite nouvelle probablement. J’espère qu’ils la cogneront pas trop fort. - Pourquoi ils t’ont embarqué toi ? - Tu connais la procédure Martin : ils ont pris le moins amoché des deux, comme d’habitude. L’autre est à l’hôpital.» Il soupire. Me regarde. Je souris. Il sourit aussi. Je lui ai égayé sa soirée. « Vous avez une plainte de l’autre ? - Pas encore, faudra qu’on le contacte dans les heures qui viennent. - Je serai encore là ? - Je vais voir ce que je peux faire. » Ce mec est un vrai pote. Je m’allonge sur le fauteuil et pose les pieds sur son bureau. « Bon, je bavasse, je bavasse, je bavasse. Et toi ? Parle- moi de tes gamines… » | |
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