Aldébaran
| Sujet: Fragment #52 - L'Acte a Retardé les Amants 14.04.08 22:22 | |
| Samedi 16 septembre 2006 à Dijon Sa bouche contre la mienne, ses bras m’enserrent. Mon Jon, si tu savais comme je t’aime. Tu m’emplis de ton amour, tu nous fais couler dans les sombres tréfonds de la jouissance. Son corps tout contre le mien, la douceur de sa peau que mes doigts parcourent. Sa barbe naissante et blonde qui effleure et égratigne mon menton et mes joues. Mes lèvres que tu brûles de tes poils naissants et dorés. Ton souffle dans mon cou. « On va être en retard, Jon, Julian a dit neuf heures trente, et il faut encore que nous prenions notre douche. » Il est en moi ; je n’ai pas pu résister à ses assauts sauvages et à sa volonté omniprésente. Nos corps se délacent un peu sous l’eau brûlante de la douche, nos corps se frôlent, ses mains parcourent mon dos, y déposant une mousse onctueuse. Jonathan s’empare du rasoir. « Non, s’il te plaît, ne te rase pas. J’aime ma peau irritée sous tes baisers. Nous nous dépêchons, descendons la rue des Godrans, traversons la place Grangier au pas de course et arrivons sur la place Darcy. L’acte sexuel retarde les amants. Julian nous lance un regard noir. Ses yeux s’attardent un instant sur le bras de Jon qui m’enserre. J’aperçois une interrogation dans son regard. Je meurs de faim. Nous nous arrêtons à un kébab. Je revois la danse colorée des légumes et l’odeur entêtante de la viande qui cuit. La sauce blanche qui dégouline de nos pains tièdes. L’odeur âcre et salée et nos mains graisseuses. Je m’essuie rêveusement dans la serviette. J’embrasse Jon au passage et nos langues s’entremêlent. Je ressens le dégoût passager de Julian. Désolé d’aimer et d’être aimé. J’arrête, Jon me regarde un instant, de l’interrogation dans les yeux. J’esquisse un mouvement de tête vers Julian. Il me comprend. Nous descendons la rue Foch et tournons sur la gauche. Déjà je ressens les vibrations du bar. Ce ne sont alors qu’hallucinations puisque la porte fermée ne nous attend pas encore avant quelques centaines de mètres. On nous ouvre la porte et en descendant l’escalier j’appréhende un instant l’arrivée et la convergence des regards pleins d’attente de ceux d’en bas. Et leur soudain désintéressement vis-à-vis de Jon et moi, couple déjà formé. Julian capte les regards. Il me ressemble tellement, je me sens regardé, déshabillé de toutes parts. Mais c’est lui que l’on tente de cerner, cible potentielle d’une foule en fusion. Nous nous installons dès que nous pouvons. Le patron vient nous demander ce que nous voulons. La commande de Julian m’intrigue un instant, puis je me dis qu’il doit avoir quelque chose à oublier, ou que sa gorge appelle simplement à l’aide. Je le regarde avaler assez rapidement sa vodka. J’embrasse Jon. Julian regarde un homme se déhancher sur la piste. Ses yeux dans le vide de la réflexion, pleins d’adoration. Julian n’est déjà plus là. Julian est parti. | |
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