Aldébaran
| Sujet: Fragment #56 - Deus ex Machina 15.04.08 18:27 | |
| Dimanche 1 octobre 2006 à Chenôve Sortir. Sortir de cette pâte informe qui me cloue au lit, qui me cloue les paupières. J’ai l’impression d’être enfoncé de deux mètres dans le matelas, de ne plus pouvoir respirer. Moi qui croyais avoir pu me libérer. J’ai l’impression que je n’en suis que plus attaché. La couverture pèse une tonne sur ma cage thoracique qui peine à monter et descendre. Ma trachée est bouchée. Je tousse depuis une bonne semaine et je n’arrive pas à m’en sortir. Ariane, tu sais tout maintenant, tu sais le monstre qui nous a enfantés. Mais il faut repartir de zéro, apprendre à pardonner. C’est ce que je tente de faire du fin fond de mon matelas, étouffé entre les deux murailles du futon. Je suis l’ours hibernant, gasping for air. Un peu asthmatique l’ours… Jonathan est venu aujourd’hui. Ariane l’a même embrassé. Pour elle, il semblerait qu’il est mon unique espoir. Il s’assoit à côté de moi, me complimente sur les valises d’une trentaine de centimètres que j’ai sous les yeux. Je crois que je vais me mettre à la nécrophilie, il ajoute. Nous parlons un peu. Depuis notre dernière sortie avec Julian, je suis différent, selon lui. Il a vu tellement de tristesse dans mes yeux qu’il a cru à un moment ne plus pouvoir en sortir. Je vais bien, je lui dis. Il ne me croit pas. Son clin d’œil provocateur me traite de menteur et m’attaque physiquement. Puis il sort de la chambre un moment pour parler à Ariane. Je les vois converser dans l’entrebâillement de la porte. Ariane entre dans ma chambre, se poste devant mon lit pour me regarder, revient vers lui et hoche la tête. Il entre et ferme la porte derrière lui. « Jed, écoute-moi. Regarde-moi. Tu vas sortir de sous ta couverture, prendre une douche et t’habiller. Ensuite tu vas venir avec moi, dans mon appart’. On s’occupera de tes inscriptions à la fac, même si c’est trop tard je m’en fous, on s’en sortira. On va te sortir de Lettres Modernes parce que tu n’as rien à y faire ; et tu vas faire ce que tu as toujours eu envie de faire, de la Psycho. Ne dis rien, je le savais, et Ariane me l’a confirmé. On va te remettre debout et mardi tu seras, comme toute ta promo, dans l’amphi. Maintenant tu sors de sous cette couverture, et tu sautes sous la douche. Exécution ! » Jonathan, je ne sais comment te remercier. Mon corps s’extirpe des kilomètres de voyage souterrain qu’il avait pu faire, repousse la couverture d’un revers de la main, emmagasine une quantité d’air à tuer un alien de Mars Attacks, et se pose un peu flageolant sur ses deux jambes. | |
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