Aldébaran
| Sujet: Fragment # 72 - C'est juste un mauvais moment à passer 16.04.08 21:00 | |
| Samedi 25 novembre 2006 à Chenôve Ariane et son visage souriant me dévisage. A peine les yeux ouverts elle me fait un bisou. « Joyeux anniversaire Jedounet. » Je grogne. Arrête ça tout de suite je t’en prie. Pas de Jedounet qui tienne, pas d’anniversaire, pas de dix-huit ans je vous en prie. Il y a certains jours où l’on ne veut plus grandir. Qu’est-ce que ça fait d’avoir dix-huit ans ? Qu’est-ce que tu veux que je te réponde petite voix ? Ca fait mal, on s’en veut de grandir trop vite. On s’en veut d’avoir fait trop de choses trop rapidement. Tu es majeur. Et puis quoi ? J’ai déjà tout outrepassé. La boîte, c’est fait, ainsi que les sex-shops, les sites pornos, les films X, le cul, la baise, l’amour. Tu n’as plus rien à te prouver ? Si, pouvoir être un adulte, avoir le droit d’en être un. Mais pour ça, je ne suis pas prêt. Et ce n’est pas un âge, une limite passée, qui va tout changer. Tu as peur, alors… Non, peur de rien. Mais oui, peur d’une chose, le Temps. Comme nous tous. Et ce n’est pas un âge, un an de plus, qui va tout changer. Tu n’as peur que de la Mort alors. Tu es intrépide. Non, j’ai peur aussi, peur de... Papa est assis en face de moi, Maman à ses côtés. A ma droite Ariane, à ma gauche, Vincent qui boude encore d’avoir à rester à la maison pour mon anniversaire. Le gâteau, l’Emblème, trône au milieu de la table avec toutes ses bougies. Je repense à Jonathan et à notre nuit d’hier. Il fallait que je te quitte aujourd’hui, mon Jon. Les anniversaires se font en famille selon mon Clan. Mais je pense à toi, tu sais, de toute mes forces. Je pense à toi au milieu de cette chanson entamée à l’unisson, au milieu de ses bougies soufflées par mon expiration, au milieu du gâteau découpé sans ménagement. Un anniversaire parfait, inchangé, comme le sont tous nos anniversaires depuis dix-huit ans. Depuis plus, même, grande sœur. Attendez, ne me dites rien. Maintenant vient l’heure des cadeaux. Les enveloppes des grands-parents. Puis au centre de la table, bien emballé, le cadeau de mes parents. Petit et rectangulaire. Je sais déjà pratiquement ce que tu contiens. Un Pléiade. Je déchire le papier. J’avais raison. Mais le nom de l’auteur me frappe. J’en avais entendu parler, mais je n’y ai encore pas touché. Camus. Albert Camus. Je serre ce livre contre mon cœur. « Merci. » Pour une fois je ne cache pas mes sentiments, je suis vraiment content. Je suis vraiment heureux, même si le Cap est passé. Je suis assez grand pour lire ce qui touchera en plein cœur. Camus, Les Justes, Caligula. Vous hanterez mes nuits. La nuit se termine, les discussions familiales de même. Je remonte dans ma chambre. Ariane m’arrête au seuil. « J’ai un cadeau pour toi aussi. Tu le mettras dans la boîte. » Comment sait-elle pour la boîte ? Elle glisse un bout de papier entre mes doigts. Tu n’as peur que de la Mort alors. Tu es intrépide. Non, j’ai peur aussi, peur de…, peur du changement, peur de l’Inconnu. Ariane, m’aideras-tu à le vaincre ? | |
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