Aldébaran
| Sujet: Fragment #114 - Tonnerre 20.04.08 22:06 | |
| Lundi 7 mai 2007 à Dijon Masses cotonneuses dans le ciel. Ambiance bleu sombre. Je sens la pluie qui peut tomber à tout moment. Je sens cette atmosphère surchargée et humide qui roule autour de moi. Mes yeux montent vers le ciel. Une goutte tombe sur l’arête de mon nez, glisse lentement jusqu’à la commissure de mes lèvres. Ma langue la happe. Petite rondeur douce et fraîche. Elle glisse le long de mon œsophage. La fraicheur m’envahit, j’ai comme un petit nuage dedans moi, comme un peu de la barbe à papa bleue. C’est ce ciel menaçant que j’ai à l’intérieur de moi. Ce sont ces nuages qui se pressent dans mon ventre et le font rebondir. Je suis sur le balcon de Jonathan. Je regarde une dernière fois le ciel, et referme avant que l’orage n’arrive. Un pas vers l’intérieur, craquement du parquet. Ma main qui touche la poignée, repousse la porte-fenêtre, tourne le loquet. Craquement sonore du bois. Je me retourne vers Jonathan, qui est assis sur le canapé, devant le discours du nouveau Président qu’il avait enregistré. Je me mets devant la télé, un peu comme un jeu, pour voir. « Pousse-toi. Mais pousse-toi, je regarde. - Tu vas pas regarder ce nain quand même. - Et si ça m’intéresse ? - C’est un con. - J’ai voté pour lui. - Quoi ? - Oui, pendant que tu te lamentais, tu n’as pas fait une seconde attention à moi, tu n’as pas cherché à savoir mes positions. J’ai voté en toute confiance. Pour lui. - Mais… Mais, c’est un homme dangereux ! - Non, il s’est radouci. Et il propose des choses justes. Chacun devrait pouvoir travailler comme il le veut. Tu ne trouves pas bizarre que des gens vivent sur le sol français alors qu’ils ne parlent pas un mot de cette langue ? - Jonathan, il est contre notre couple. L’homosexualité est génétique pour toi alors ? - Il n’a rien dit contre nous. Et puis, eh bien oui peut-être. Du moins je n’ai pas choisi d’être homo. Peut-être qu’on pourrait… y faire quelque chose. C’est dur tu sais. - Oui je sais, je suis aussi concerné je te rappelle ! » Une boule de colère envahit es entrailles. Je sens le nuage qui fonce l’électricité qui se forme. Je sens le rouge qui coule. Je n’ai pas vu tout cela arriver. Je l’aime pourtant. Comment est-ce possible, alors. Pourquoi est-ce que ses opinions politiques me font si mal ? Tu n’as même pas été capable de penser à l’autre, tellement centré sur toi-même. Tais-toi ! Il ne m’en a même pas parlé. Il m’a laissé déblatérer seul. Tes idioties. Non ! Ce sont mes idées, mes peurs, mes envies. Tes peurs, tu le dis toi-même, tu n’es guidée que par ton moi animal. Tu ne réfléchis pas. Si, j’ai pensé par moi-même, je me suis fait ma propre opinion ! Prends garde au loup tapi en toi, Jed. Je sens cette boule rouge courir en moi. Mes muscles tressautent sous la douleur du mal-être. Je me transforme. Je suis animal. Je ne peux pas te faire de mal pourtant, Jonathan. Je pourrais me frapper la tête contre les murs, contre cette mélasse ocre et vermillon qui coule et rampe sur les murs. Cette immondice carmin qui me fait glisser quand je m’élance vers la porte, rouge de honte et de colère, qui laisse une trace brune sombre sur mes mains qui touchent la poignée qui coule. Mes mains tachées du rouge du sang de la colère amère et forte qui vibre à mes oreilles qui gargouille dans mon ventre ce tonnerre sombre et déchirant mes entrailles qui vibrent et grondent. La porte claque derrière moi. J’ai décidé. Je ne reviendrais plus. | |
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