Fragment #148 - Sa langue a un goût de vodka

Autour de moi, tout est brouillard. J’ai décidé d’innover ce soir, et Julia m’a trouvé de la MDA ; impossible de savoir si le cocon qui m’entoure provient de là ou de la bouteille de whisky que j’ai descendue en tête à tête. Mes talons claquent sur le bitume et malgré mes Wayfarer, je vois bien que tout le monde se retourne sur moi. Comme toujours nous nous déplaçons en bande, et je n’ai retenu que deux ou trois noms parmi la quinzaine d’oiseaux de nuit qui me suit.
Nous entrons facilement dans le carré VIP, commandons du champagne français. La musique résonne dans mon ventre.
“ I’m going to the bathroom ”
“ Sylvia, wait, I’m going with you ”
Julia se pend à mon bras, adresse un clin d’œil à l’assemblée. Nous entrons à deux dans la seule cabine disponible. Je sors mon sachet, vais pour verser la poudre sur le rebord des toilettes.
“ Wait, wait, wait ! I have to pee.”
Elle est tellement charmante quand elle me dit ça avec ce sourire en coin. Elle soulève sa jupe et s’assied. Je prépare nos traces sur le dévidoir à PQ, l’écoulement de son urine masque le bruit de ma carte de crédit qui sépare deux petits tas sur la surface métallique. Je dévale la ligne blanche en la regardant. Soudain je vois son visage se décomposer.
“ Oh fuck. Fuck. FUCK ! ”
“ What’s going on ?”
“ I’m so fucking stupid.”
Elle se relève, et je comprends qu’elle a oublié qu’elle portrait quelque chose en dessous de sa jupe. Je reste deux secondes abasourdie, puis éclate de rire.
“ Julia, my dear, in fact you’re ridiculously stupid !”
Elle aussi est prise d’un fou rire, j’en ai même mal au ventre et les yeux qui pleurent, nous sommes dans les toilettes d’une boîte hypra hype, et elle s’est à moitié pissé dessus tellement elle est défoncée, et nous ne pouvons plus nous arrêter de rire comme des hyènes.
“ Oh, please, take it off, throw it away !”
Elle n’arrive même plus à bouger, secouée de spasmes nerveux. Je l’aide à enlevé son boxer Calvin Klein, mais sa jupe est tellement courte qu’on voit son cul sans même qu’elle se baisse. Je retire alors mon jean, puis ma culotte Marylin d’Agent Provocateur. Et soudain, je me rends compte. Nous sommes moitié nues, à quelques centimètres l’une de l’autre. Je lui tends ma culotte, qu’elle enfile, puis remets mon fute à même la peau. Elle se calme un peu le temps de s’enfiler son rail. Nos regards se croisent et à nouveau nous rions à pleine gorge.
“ Thank you soooooooo much, honey.”
Elle se jette à mon cou et m’embrasse. Sa langue a un goût de vodka.