Fragment #428 – Kokhavah et moi : sixième jour

« Tu ne diras rien à ta mère, hein Kokhavah ? »
La petite babille sur mon épaule en souriant. Je me sens bête, à arpenter les rues parisiennes en portant ma fille comme un papa kangourou, même si cette image fait rougir les filles que je croise sur mon passage. Juliette, Laura et Simon nous accompagnent. Nous déambulons ce soir entre les étals musicaux, humant l'odeur de l'été. Aujourd'hui, c'est le solstice, le jour le plus long de l'année. Il fait chaud, les corps sont moites. Kokhavah porte un petit chapeau pour ne pas attraper d'insolation, mais la sueur colle sur son front ses jolies mèches brunes de bébé. Elle regarde tout autour d'elle avec attention, ses yeux pétillants cherchent à dévorer le monde.
Je suis inquiet, car les baffles sont puissantes et je ne voudrais pas que ma fille devienne sourde à cause de moi. Lola me tuerait, me découperait en tranches, et disperserait mon cadavre à travers le monde. Afin de ne pas en venir à ces extrémités, je plaque mes mains sur les oreilles de la petite, mais elle se dégage.
« Oh, ça va, ça va, mademoiselle fait sa Sinclar hein...
- Elle est trop chou, commente Juliette. Pourtant d'habitude les bébés c'est pas mon truc ! »
J'achète une glace à Kokhavah pour lui rafraichir un peu la bouche, mais elle n'en veut pas, alors je la finis à sa place. Le sorbet me brûle la langue.
Simon dit à Laura que je suis adorable, comme ça, avec Kokhavah accrochée à mon torse comme un petit koala. Il suggère de lui faire un enfant dès ce soir, mais Laura ne réagit pas à la plaisanterie, qu'elle balaye d'un mouvement de tête mécontent. Pourquoi es-tu devenue si froide, mon hirondelle ? Est-ce à cause de ton père ? Je ne te reconnais plus...
Laura nous abandonne rapidement. Simon semble un peu dépité, mais Juliette lui remonte le moral en racontant ses expériences sexuelles d'adolescente.
« Chut Juliette ! La petite t'entend !
- Et alors, elle est trop jeune pour comprendre... »
Je ne sais pas. A voir ses yeux, la façon dont elle dissèque l'extérieur, sans un mot, on pourrait croire qu'elle comprend tout. Et parfois, son regard me gêne. J'ai peur qu'elle n'aille tout raconter à sa mère demain.
As-tu aimé ces quelques jours avec moi, Kokhavah ? Finalement, je ne suis pas si mauvais père que ça, qu'en penses-tu ? Est-ce que tu m'aimeras un jour ?
Est-ce que tu me pardonneras de n'avoir pas été là ?