Lundi 14 juillet 2008
à Dijon
5h57. Jour de fête nationale. Jour férié, pas pour tout le monde. Martin l'élève de médecine arrive sur le parking au même moment que je sors de ma voiture. Je me suis garé un peu près du mur, et je rentre le ventre pour pouvoir sortir. Au lieu de se diriger vers l'entrée, il vient vers moi.
« Salut Martin. Tu vas bien ?
- Oui oui. Dis pour samedi, Monsieur Duchêne n'était pas là, et Nathalie n'a remarqué ton absence qu'une demi-heure avant la fin de ta journée. Du coup j'ai dit que tu avais des trucs à faire donc tu étais venu plus tôt pour pouvoir partir en avance. Je ne sais pas ce que tu faisais mais je voulais te prévenir pour qu'on ait le même discours.
- Nickel. Merci beaucoup. Je ne savais toujours pas comment justifier mon absence. Mais comment ça se fait qu'elle n'ait pas remarqué plus tôt que je ne m'occupais pas de mes rayons ?
- En fait ils n'ont pas été livrés de tout ce qu'ils attendaient donc elle était occupée à rappeler les fournisseurs ; et j'ai pu m'occuper de nos rayons à tous les deux vu qu'il n'y avait pas grand chose. On peut dire que tu as eu de la chance.
- C'est clair. Merci beaucoup en tout cas ; je te revaudrai ça. »
C'est soulagé que je passe cette matinée. Même s'il y a plus de boulot que d'habitude car il faut ranger en plus du quota de palettes quotidiennes le surplus qui était en défaut samedi. Il existe donc vraiment des gens altruistes sans intérêts personnels. C'est bon à savoir.
À dix heures je le dépose chez lui pour qu'il n'ait pas à prendre le bus. C'est le moins que je puisse faire. En plus c'est sur mon chemin. Je lui propose de le reprendre tout à l'heure en revenant. Nous convenons d'une heure et il me donne son numéro au cas où il ne serait pas en bas de l'immeuble quand j'arriverai.
Je me dépêche de me changer, dans quelques minutes je dois être au monument au mort en tenue complète. Melissa est venue me voir avec son appareil photo. Ma mère préfère rester à la maison regarder le défilé des champs Élysée. La cérémonie est brève et nous rentrons rapidement à l'intérieur de la mairie où le maire nous convie, citoyens, pompiers, musiciens, à prendre le verre de l'amitié. Je prends un Kir. Je n'ai pas vraiment le choix ils ne servent que ça ou du jus de fruit. Ça ne me dérange pas vraiment puisque j'aime bien ça.
Je me rapproche du chef de corps qui discute avec le maire. Ce dernier lui annonce les plans récents de refonte de l'organisation des secours dans l'agglomération dijonnaise. Dernières ville de France à ne pas pratiquer la mixité professionnels-volontaires dans ses casernes, Dijon doit s'y mettre, et ça passera par la suppression des petits centres communaux de l'agglomération afin de rendre disponible leurs personnels pour les casernes qui vont recruter des volontaires à tour de bras. L'annonce officielle des dispositions à prendre devrait arriver très prochainement car les autorités souhaitent que le projet soit opérationnel d'ici début 2009.
Je suis un peu ému. Ils vont fermer la caserne que je fréquente depuis dix-neuf ans, celle où mon père et mon grand-père avant lui ont évolué. Celle encore où j'ai grandi dans l'admiration de mes frères, et le rêve d'un avenir en uniforme. Celle qui a vu naître, vivre et mourir mon adolescence et ses tourments. J'ai l'impression qu'on cherche à m'arracher une partie de mon enfance. Il me restera les souvenirs.
Les souvenirs.
Et ce soir : feu d'artifice au lac Kir.
Les souvenirs.