Fragment #1 - Devant l'enseigne

Minuit quart indique la grosse enseigne. Les chiffres rouges, étincelants, violents, détruisent mes pupilles écartelées. J’attends. Un vent tiède brasse la pollution et la poussière de ce vieux quartier. Au bout de la rue un carrefour où s’entremêlent des voiture dans un bruit de caoutchouc mou, comme un vieux préservatif usagé. Le long des immeubles aux fenêtres n’ayant pour vitres que des planches de bois, des gens passent, chuchotent et partent.

J’ai peur. Peur de recommencer, de chuchoter, d’acheter et de partir déchiré me faire défoncer. Mais j’attends toujours. Les minutes passent et l’envie se fait de plus en plus grande. L’envie d’elle, de ses seins, de ses reins. Mes mains tremblent pendant que le vent tiède souffle toujours. Je le sais au fond de moi que je ne tremble pas d’envie de sexe mais de manque. De manque et de dégout.

Je suis toujours là, immobile, immonde devant cette enseigne marquant une heure trois minutes. Comme à chaque fois je flanche et je me dirige vers les chuchotements, je sors mes 15€ journalier, les échangent et rentre dans une ruelle. Quelques minutes suffisent. Je m’en vais maintenant en direction du carrefour. Les lumières sont de plus en plus vives. Je rentre dans cette boite, comme à chaque fois où elle n’est pas là. Je discute avec ce gars que j’avais déjà croisé deux trois fois. Il a envie, et moi aussi… Une fois dans sa voiture ma conscience éthérée me lâche complètement. Plus rapide que moi, son pantalon sur ses pieds, il arbore son sexe bien droit tellement tentant. Mes yeux se ferment, la salive monte dans ma bouche.

Me revoilà, devant cette enseigne, une heure plus tard. Mon gsm à l’oreille, je l’appelle comme à chaque fois où elle ne vient pas me chercher. Comme à chaque fois où je replonge, comme à chaque fois, où après, je regrette. J’ai envie d’elle, non en fait, je n’ai pas envie d’elle, mais de son corps de femme, de son statut de femme, j’ai envie de la baiser, pas de lui faire l’amour, de la baiser, j’ai envie de me sentir homme. De me sentir homme pour masquer le dégout que j’éprouve envers ce que j’ai fait. Elle décroche et c’est la chute, au plus profond de l’abyme. Elle ne veut plus de moi, elle arrête tout, la came, le sexe dégradant sans amour. Elle arrête tout. Même de me voir, surtout de me voir.

Et je reste là, minable hétéro laissé pour compte, pédé par pulsions.