Bellatrix
| Sujet: Fragment #7 - Quatre précieuses minutes ! 27.08.08 15:16 | |
| Samedi 18 novembre 2006 à Bruxelles Une semaine entière s’est écoulée depuis le dernier spectacle, et mes ambitions de danseuse ne font que de s’accroître. Je n’en peux plus de mon boulot, de ces clients exigeants, de ces chefs stressés. Le taux d’occupation est en chute libre depuis quelques jours. Les gens ne voyagent plus. L’hôtel est vide. Mes journées sont ennuyantes à mourir. Accoudée à la réception, je feuillette discrètement un magazine posé sur mes genoux. Les filles me reprochent assez mon manque d’intérêt pour la dernière tendance en chaussure ou accessoire quelconque. Je m’instruis donc ! Je n’ai jamais été très shopping, le stricte minimum me suffit, du moment que mes vêtements ne sont pas abîmés, je m’en accommode très bien. Mais la vie sociale nous pousse à être au top, surtout dans le monde du paraître dans lequel j’évolue. La danse, à part le talent qui est primordial, c’est aussi une affaire de business. Se montrer au bon moment au bon endroit et taper dans l’œil de l’audience. Alors si je ne veux pas rester réceptionniste toute ma vie, et enfin avoir la joie de vivre de ma passion, il faut que j’y mette du mien. Cocktails, réceptions, dîners de gala, pièces de théâtre, spectacles de danse, il faut que je sois partout. On ne sait jamais que dans le tas de monde pompeux et superficiel, j’ai la chance de rencontrer quelqu’un de haut placé dans le milieu. Quelques sourires hypocrites, quelques discussions inintéressantes, c’est le prix à payer. Et sait-on jamais, je pourrais peut-être même m’amuser. Quelques pas se font entendre dans la pièce voisine, je range à toute vitesse l’objet interdit. Ma collègue revient de sa pause, c’est à mon tour de m’y rendre. Au menu, hamburger dégoulinant de sa sauce infâme et frites ayant l’aspect de tranches de carton gras. Je confirme, au goût également. Mais comment font-ils ? Et dire que nous sommes en Belgique. Bravo. J’ai envie de m’enfuir à toute jambe, de descendre les deux étages me séparant de cette pièce imbibée d’une odeur néfaste pour tout être humain normalement constitué et appréciant la bonne nourriture et d’aller à la friterie du coin me rappeler du vrai goût. J’ai surtout envie de vomir. Mon assiette à peine entamée, je fouille dans mon sac et en sors la chose qui me rendra partiellement le sourire. Une clope. Je l’allume, observant le mouvement virevoltant de la fumée dans l’espace. La grande horloge tape à l’œil accrochée au mur de la cantine, de façon à ce que tous les employés n’aient pas l’occasion de prendre des pauses plus longues que prévues, indique 13h03. Cela fait à peine six minutes que je suis là. Et il m’en reste exactement vingt. Je n’ai jamais compris ce règlement. Vingt-six minutes précises nous sont octroyées pour manger. C’est complètement débile ! Pourquoi pas trente ? Personne ne le sait d’ailleurs, personne ne s’inquiète de perdre quatre précieuses minutes en les donnant gratuitement à son employeur. Quatre minutes, c’est une éternité ! Ca laisse le temps d’aller au petit coin, de fumer une demi cigarette, de se manger un dessert en plus, de passer un coup de fil, de fermer un peu les yeux, de se remaquiller, ou tout simplement de rêver. C’est du vol. J’en parlerai au boss. | |
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