Fragment #437 – Retour à la case départ

Un murmure d'images et de sons commence à remuer dans mon esprit. Peu à peu, le flou devient plus net, les choses se précisent. Un amas de sensations se dépose sur mon corps. Je soulève lentement mes paupières, déchirant le voile de la nuit. Ma chambre. Le plafond de ma chambre. Cette chambre où j'écoutais Lilian et Jed batifoler derrière le mur. Ce lit où je me suis allongé maintes et maintes fois. Maintenant, ce n'est plus mon lit. Ce n'est plus mon odeur.
C'est celle de Florian.
Ma tête est lourde. Nauséeuse. Me voilà de retour à Dijon, au 7e étage du 6 rue Docteur Chaussier. Là où j'ai vécu pendant huit mois avec Lilian. Le temple de mes rêves éveillés.
Désormais je n'ai plus de chez moi. Ni la maison de mes parents, qui respire la glace la plus infecte. Ni mon temple du sommeil, qui ne m'appartient plus. Ni cet appartement, où mon grand frère m'a remplacé. Ni même l'appartement de Nathan, qui a péri dans un incendie.
Je n'ai nulle part où aller. Je n'ai pas de travail non plus, puisque j'ai plaqué mon boulot d'équipier à MacDo. Je suis donc vraiment dans la merde, parce qu'en plus, comme si ça ne suffisait pas, je suis dingue. J'ai l'impression d'être un gamin qui va devoir tout apprendre à nouveau.
J'ai mis le feu à mon appartement. J'ai pris la fuite en secret et je suis allé en Espagne. J'ai été serveur pour gagner un salaire de misère et me payer des chambres d'hôtel pourries. J'ai baisé à loisirs avec des hommes et des femmes. Et ce n'était pas moi. C'est mon corps, mes sensations, mais ce n'était pas moi. Je n'avais aucun contrôle.
Et si cela se reproduisait ? Qu'est-ce que je ferais ? Des larmes affluent au bord de mes yeux. Je ne veux pas aller dans un asile. Je ne veux pas être fou. Putain, je ne VEUX pas être fou, bordel de merde !
C'est fou comme tu perds vite le contrôle, Julian...
A moi de jouer, alors.