Fragment #4 - Déjeuner chez Robin Guitry

C'est bon, il est parti. Je peux enfin sortir de ma chambre. Florian et moi, on se fait la tête encore plus fort que d'habitude depuis hier soir, alors je n'avais pas très envie de le croiser dans la cuisine. Je me prépare un bol avec du lait et des céréales, un grand verre de jus d'orange, quelques tartines beurrées avec de la confiture. A midi, Robin m'a invité à manger chez lui, et ensuite nous irons à la clinique, voir Julian. Je fais un peu le ménage, parce que Florian râle et dit que c'est toujours lui. Forcément, lui, il est maniaque, alors dès qu'il voit une poussière, ça fait tout un scandale. Avec Julian, on survivait très bien dans l'appartement pendant deux semaines sans nettoyer par terre. C'était le bon vieux temps. Je pense que Florian tient ça de maman. Quand j'habitais encore avec les parents, j'avais droit à un nombre incalculable de reproches chaque jour, concernant l'état de ma chambre ou de mes cheveux. Ce n'est pourtant pas de ma faute si je déteste autant passer l'aspirateur qu'aller chez le coiffeur. Florian, par contre, il est toujours propre et présentable, il se rase tous les matins (mais ça, c'est bien fait pour lui, il est le seul de la famille à avoir un peu de barbe). Maman, je ne vais pas trop l'accabler non plus. Quand je vois la mère d'Alex, je me dis que je ne suis pas le seul à avoir souffert de la maniaquerie extrême d'un géniteur pendant toute ma jeunesse.
Vers midi moins le quart, je sors pour aller prendre le bus. La concierge m'ignore royalement, mais ça, ça ne change pas, puisqu'elle déteste tout le monde. Direction Talant, car c'est là-bas que vit mon petit ami, dans un appartement étroit avec ses parents et ses quatre sœurs. Parfois, je me sens mal à l'aise devant sa famille, parce que la mienne a les moyens de financer la moitié d'un appartement pour moi alors que j'aurais très bien pu rester vivre chez eux, puisqu'ils habitent au centre ville. La famille Guitry, par contre, ne pourrait pas se permettre d'installer leur fils aîné au cœur de Dijon, même si cela lui éviterait quarante-cinq minutes de bus supplémentaires à chaque trajet. Lorsque j'arrive chez lui, il est seul, car ses parents sont au travail et ses sœurs à l'école. Il m'a préparé un délicieux cake au saumon et une salade estivale, parce que zut, on est encore en été, après tout. Je l'embrasse longuement, je lui dis que je l'aime plus que tout.
Le repas tiédit sur la table tandis que nous nous enlaçons tendrement.