Aldébaran
| Sujet: Fragment #5 - Une nuit, encore 09.04.08 21:59 | |
| Lundi 5 juin 2006 à Chenôve Révisions. Révisions. Ré-vi-sions. C’est férié aujourd’hui. Lundi de pentecôte on appelle ça. Mais j’ai encore un fois l’impression que ce n’est pas férié pour tout le monde. Ce matin mon père est parti au boulot comme d’habitude. Ma mère trime comme une dingue à ravoir les rideaux sur lesquels j’ai vomi il y a trois semaines. Ben oui, on ne peut pas être bien tous les jours. Ce soir-là, n’empêche, j’avais bien visé… Vincent et Ariane, ma sœur, sont de corvée vaisselle. Et moi je bosse. Enfin tout le monde croit que je bosse. Jusqu’à moi-même. Et pourtant j’ai l’impression d’avancer comme un escargot. Merde ! « Le bac commence la semaine prochaine je te rappelle. » Enfin bon, j’ai rien foutu de l’année, ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer. Et pourtant j’arrive à m’y mettre. Je ne sais pas comment je fais mais à ce moment précis je viens d’ouvrir mon classeur de Sciences Nat. Il faudrait bosser les maths. C’est ma spécialité. D’ailleurs je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris. D’abord entrer en première S. Et pire encore : prendre spé maths. Donc j’ouvre mon classeur de SVT. La croûte océanique. Qu’est-ce que c’est, ça ? Les croûtes je connais. L’océan aussi. Mais l’association des deux me donne à réfléchir. J’en ai déjà mal à la tête. Vomir. Là, tout de suite. I’m Jack’s sick belly. Je suis l’estomac retourné de Jack. J’ai envie de vomir rien qu’à tenter de retenir la composition basaltique de ces merdes. A quoi ça va bien pouvoir me servir ? Le bac c’est quoi ? Un cap à passer. Cool. Pour faire quoi ? Entrer en prépa. Ça serait bien ma veine, ça… Soudain je n’ai plus envie de rien faire. Surtout qu’il fait beau dehors. Un soleil matinal, mais déjà si chaud et attirant. Chaud DONC attirant. J’ai toujours été attiré par la chaleur. Tout ce qui pouvait courir sur ma peau. Et me donner des frissons de tiédeur. Tes doigts, ma Desdémone. Encore une nuit… Mais tu es partie. Il fallait que je t’oublie. Si facile à dire. Trop facile à dire. Tu as disparu. Et j’en suis resté dur comme le roc. Cœur de pierre. Amer à tout. Tes mains, ma Desdémone… Il fallait que tu retournes au Havre, ta ville d’enfance. Et plus jamais nous ne devions nous revoir. Il fallait que tu t’en ailles. Notre amour devait surmonter la douleur. Il n’en a rien été. Et tu as disparu. Cœur de pierre. Je suis resté. Cœur de verre. Déjà brisé. Et ses échardes m’entaillent de l’intérieur. Ma Desdémone, tes pieds, je les adore. Une nuit, encore. Il fallait que nous nous séparions. Et soudain je n’ai plus envie de bosser. Envie de tout flanquer par terre. De resalir tes rideaux, Maman. Le bac. A quoi ça sert. La vie ? A rien, si on ne peut pas aimer. Les mots dansent devant moi. Basalte. Océanique. Volcans sous-marins. Subduction. JE suis en subduction. Je plonge vers les abysses. Ma Desdémone, ton corps enlacé au mien. Comme j’ai pu l’aimer. Une nuit, encore. Puis plus rien. Plus aucune nuit. Out. Ma Desdémone ; ma Julie… Tu es partie... | |
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