Fragment #8 – Un air de décembre

Il y a quelque chose dans l'air, un truc, une odeur ou une mémoire des températures ou de l'humidité ambiante, un truc lié à nous, à la fois à notre corps et à nos souvenirs, quelque chose qui fait que, chaque année, je me souviens, au fur et à mesure des saisons, de choses qui me sont arrivées un an avant. C'est lié à l'air. Le problème, c'est quand ça se dérègle : en ce moment, je repense à décembre 2007, à la période de Noël, aux cadeaux, au marché de la place de la Libération. Julian qui revenait de Londres après s'être tiré comme un voleur (ça devait commencer à déraper à l'intérieur de sa tête), et maman était là, j'avais acheté un petit truc pour elle, un pour ma soeur et pour ses deux gosses, et puis un collier pour Maura, qu'elle m'a renvoyé avec ce mot, sur lequel était écrit « je ne suis pas à vendre ». Meryl, tu auras vraiment réussi à la retourner contre moi, notre petite fille, tu es décidément très forte. Je sais pas si tu as fait ça par jalousie, c'est vrai que tu aurais voulu être proche d'elle comme je l'étais avant, quand Maura était petite. Tu faisais tout pour attirer l'attention sur toi, sur tes problèmes de santé, sur tes migraines, ta fatigue, tes coups de déprime. Tu voulais qu'on s'apitoie sur ton pauvre sort, toi la pauvre Meryl mariée à un pauvre type qui allait toujours bien et qui ne te plaignait pas assez. Je sais pas comment tu t'y es prise, quelles horreurs tu lui as mises en tête. Après le divorce, elle s'est éloignée de moi, et maintenant, nous sommes devenus des étrangers. Est-ce que toi, tu lui parles encore ? Est-ce qu'elle te renvoie les cadeaux en affirmant ne pas vouloir être achetée ?
Est-ce que tu pleures le souvenir des années perdues ?