Aldébaran
| Sujet: Fragment #11 - Le fils d'Ariane 09.04.08 22:09 | |
| Mardi 13 juin 2006 à Chenôve Je viens de me lever. La nuit a été longue. Alex s’en va aujourd’hui. De quoi aller mal, non ? Et pourtant je n’ai jamais été aussi bien. Cette nuit, après avoir pleuré dans les bras d’Ariane, je me suis senti mieux. Elle a déroulé le fil de mon histoire, un peu. Nous l’avons déroulé ensemble. Et j’ai tenté de solder mon passé. Papa, j’ai tenté de t’oublier. Mais tu es toujours présent, et je fais avec ; prostré dans mon silence. Nous avons dormi ensemble, Ariane et moi. Collés l’un contre l’autre. Chaleur humaine ; je t’aime. Deux jumeaux. Deux amants. Une mère et son fils. Je suis le fils d’Ariane. Parfois j’en ai l’impression. Grande sœur protectrice. Tu m’as toujours compris. Tu m’as toujours aimé comme je le voulais. Prostrés l’un contre l’autre. Au milieu de ce champ ; auprès du feu. Demain, une nouvelle épreuve du bac. Mais ce matin, plus rien ne compte. Vivre sa vie au maximum. Vers trois heures du matin, Alex nous a rejoint. Il s’est glissé sous les couvertures. Chaleur de son corps contre le mien. Chuchotis dans le silence virginal. J’avais peur de le salir, ce silence. Mais il fallait parler. « Alors, une femme dans chaque port ? - Comme tu vois. - Et moi, je ne compte pas alors ? » Il ne répond pas tout de suite. Je guette son sourire énigmatique. Plissement du coin droit de sa bouche. Et soudain, il est là, ce sourire. Je l’ai toujours adoré. « Elle était belle, celle-là », il me dit. Je le crois. Il me raconte tout, en détails. Les frissons de sa peau ; l’ouverture de sa bouche ; la crispation de l’orgasme. Les braises rougeoient toujours. Cette chaleur contre ma peau. Je pense à Julie. Plissement au cœur. Je me serre contre lui. Ses bras m’entourent. « Ne pleure pas, s’il te plaît. - Ne t’inquiètes pas, je lui dis. » Déjà fait. Et je lui raconte les bras d’Ariane. Nous trois sous les couvertures. Son corps contre le mien. Je l’embrasse sur la bouche. Ariane, tout à côté de moi, dort. Je viens de me lever. La nuit a été longue. Alex s’en va aujourd’hui. C’est dur. Une séparation. Une préparation. De toute façon c’est trop tard. Pas le temps de s’y remettre. Les jeux sont faits. Je me suis levé sous les couvertures, j’ai réveillé Ariane, puis Alex. On a plié les affaires, étouffé le feu. Mon feu intérieur s’étouffait lui aussi. Il le fallait. Puis nous sommes rentrés à la maison. Maman,Papa, Irène, Laïla. Vincent : « C’était bien ? Pourquoi je n’ai pas pu venir, moi ? » Trop jeune. « Trop jeune pour nos décadences », je lui chuchote à l’oreille. Il sourit. Il ne me croit pas. Il a raison. Selon Irène, ils doivent y aller. Je n’en ai pas envie. Je ne veux pas quitter Alex. Même s’ils sont restés plus longtemps que prévu, je ne veux pas qu’ils s’en aillent. On se croit éternel. Entassement dans une voiture trop petite. Bises obligatoires. Se dire « au revoir » à la perfection. Je prends Alex à part. « J’ai oublié un truc dans la chambre de Jed », il dit. Je ferme la porte. Je le plaque contre le mur. Je l’embrasse. Se dire au revoir en bonne et due forme. Nos langues se cherchent, se trouvent et s’entremêlent. Sa main descend le long de mon dos. La mienne passe dans ses cheveux. « Je ne veux pas que tu partes. - On se reverra, je te le jure. » Il glisse un papier dans ma main. Nous sortons. Alex monte dans la voiture. Ils s’en vont. Depuis la banquette arrière, Alex me fait signe de la main. Ariane me double au moment de passer le perron. Elle se retourne. Me fait des chatouilles. Clin d’œil. Suivez Ariane, vous saurez tout. Je suis le cœur du labyrinthe. Je suis le fils d'Ariane | |
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