Fragment #3 – Matinée de rentrée

Aujourd’hui, je retourne à la fac. J’ai le ventre tellement entortillé que j’ai du mal à boire mon thé. Un English Breakfast bien fort, délicieux, que Maman m’a ramené de son dernier voyage en Ecosse. Oui je sais, ce serait plutôt un « Scottish Breakfast », mais passons. Un coup d’œil à la grosse horloge qui orne mon mur : j’ai encore le temps avant de retrouver ce vieux bâtiment qui manque de s’écrouler à chaque pas, les étudiants et leur odeur de café, les couloirs qui sentent à la fois le crayon en bois, le savoir et la transpiration. Un mélange d’excitation et d’harmonie totale a pris place sous mon nombril. J’avale d’une traite mon jus d’orange, file sous la douche. Je n’arriverais jamais à régler la température de l’eau, je pense. Ce matin, elle est trop chaude. Je m’enroule dans une grande serviette, m’essuie consciencieusement. Rien de plus désagréable qu’une goutte solitaire qui vous dévale l’échine. Puis le dilemme de l’armoire. La robe que Sylvia m’a offerte pour mon anniversaire trône sur un cintre, éclipsant tout le reste. Bon, ok, elle me l’a souhaité avec un mois de retard mais était-ce bien la peine de m’offrir un truc aussi magnifique ? Je l’enfile, pour le défi, et puis pour voir ce que ça donne sur moi, une robe de créateur. Elle a refusé de me dire où elle l’a trouvée et a coupé l’étiquette, mais ce n’est sûrement pas du H&M.
Petit détour par le miroir. Une vraie bouffonne. Mes hanches saillent à travers le tissu, mes seins sont bizarrement comprimés. C’est fou ce que c’est complexant de sortir avec un mannequin. J’attrape mon plus beau jean, celui qui me fait un cul de déesse, un petit haut sympa. C’est bien suffisant pour moi. Un coup de brosse à cheveux. Un peu à boire pour mon ficus. Re-coup d’œil à l’horloge géante : je vais même pouvoir arriver avec mon quart d’heure d’avance réglementaire.