Aldébaran
| Sujet: Fragment #18 - Papier Vélin 09.04.08 23:30 | |
| Vendredi 23 juin 2006 à Chenôve Ma chambre est dans un bordel monstre aujourd’hui. Enfin, je dis aujourd’hui… disons qu’elle est dans cet état à peu près tous les jours, mais que là, c’est pire que d’habitude. Je nage pour atteindre mon lit, île rescapée de la marée noire de mes affaires sales, livres de cours, cahiers. Le bac est fini, mais mes révisions journalières sont toujours visibles, épaves flottant au gré du mouvement des tissus, qui font des vagues au fur et à mesure de ma progression. De l’eau jusqu’au genoux. Soudain j’aperçois un pantalon, souvenir d’un certain dimanche, d’un certain contact, d’une certaine envie. Je le porte à mes narines, en hume l’odeur enivrante. Alex, tu es parti maintenant. Quand nous reverrons nous ? Un morceau plus solide dans une des poches. Et soudain je me souviens. Je ferme la porte. Je le plaque contre le mur. Je l’embrasse. Se dire au revoir en bonne et due forme. Nos langues se cherchent, se trouvent et s’entremêlent. Sa main descend le long de mon dos. La mienne passe dans ses cheveux. — Je ne veux pas que tu partes. — On se reverra, je te le jure. Il glisse un papier dans ma main. Je fouille la poche. Tombe sur un morceau de papier. Parfait petit rectangle. Plié en quatre il me semble. Je n’ose l’ouvrir. Le papier est doux sous mes mains, mes doigts glissent sur les arêtes, s’arrêtant sur chaque coin. Prêts à déplier ce morceau rescapé. Bouteille à la mer. Papier vélin qui crisse sous mes doigts, doux et sensuel à la fois. Je n’ose te déplier. Alex, je n’ose te découvrir, te déshabiller petit à petit, effeuiller ta pudeur. Laisse simplement mes doigts glisser sur ton corps. Laisse mes mains glisser sur le papier, sans l’ouvrir, sans te découvrir, sans découvrir ton écriture ronde et dansante, tes hanches sensuelles. J’ai peur d’en voir trop, trop vite. Peur du strip-tease intégral qui dévoile sans appâter. Je te préfère habillé, Alex, pour déshabiller lentement ton corps, libéré de son carcan de vêtements. Je regarde ton morceau de papier. Plié en quatre. Papier vélin. Je ne veux pas savoir. C’est trop tôt encore. Je le regarde, caresse ses arêtes, le tourne et le retourne entre mes doigts. Je le glisse lentement dans mon portefeuille. Avec toute la grâce possible, je le garde au chaud. Pour plus tard. Je ne veux pas savoir, Alex. C'est trop tôt encore. | |
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