Fragment #469 - Mes frères

Me voilà de retour dans la ville qui m'a vu grandir. Je marche depuis la gare jusqu'à la place Darcy, puis tourne rue du Docteur Chaussier jusqu'à mon ancien immeuble, là où désormais cohabitent mes deux frères. Florian m'a téléphoné ce matin pour me dire que Jean allait s'en sortir. Il m'emmènera ce soir à la clinique pour le voir. Je passe devant la loge de Mme Richard, la concierge, monte les escaliers en passant devant chez Lætitia, continue jusqu'au septième étage. Je frappe à la porte, et Lilian m'ouvre la porte, avant de me sauter dans les bras. Florian se lève du canapé et me serre contre lui sans attendre que Lilian se soit dégagé. Nous voilà tous les trois enlacés, la fratrie Mahogany trop de fois déchirée. Les larmes me montent instantanément aux yeux, mais je crois que ce sont des larmes de joie. J'essaye de les cacher en enfouissant mon visage dans l'épaule de Florian, qui me tapote le dos. Je voudrais vous dire que je vous aime, mes frères chéris. Que vous êtes au centre de ma vie. Mais je n'y arrive pas. J'ai perdu cela en perdant l'arrogance de Maya. Dois-je m'en plaindre ? Est-ce qu'il n'y a pas des choses qui doivent rester belles et cachées, indicibles et secrètes ?
« Bon, on va pas rester là comme ça cent sept ans hein, lance Florian avec un sourire.
- C'est cool que tu sois là Ju, me dit Lilian sans me quitter des yeux.
- Oui, j'aurais aimé que ce soit dans d'autres circonstances, quand même...
- Ca va aller pour Jean, t'en fais pas, me rassure Florian, ils vont le tirer de là.
- J'avoue que ça m'a fait bien peur, hier soir, quand Lilian m'a appelé.
- On va aller le voir tout à l'heure si tu veux.
- Et ensuite tous au Dionysos, poursuit Lilian, c'est moi qui vous invite. »
Florian hausse les sourcils.
« Pourquoi tu nous inviterais, t'as pas de sous, tu bosses pas... C'est moi qui vous invite.
- Toi tu galères avec ton boulot pour payer le loyer, réplique Lilian, piqué au vif, et moi j'ai l'argent de papa, et je le dépense jamais. C'est MOI, qui invite. »
Je les regarde avec un brin d'appréhension. Est-ce qu'une nouvelle guerre va éclater ? Mes yeux vont de l'un à l'autre, jusqu'à ce que Florian se déride et ne lance un sourire.
« Ok, dit-il, c'est toi qui invite, si tu veux. »
Je souris à mon tour, soulagé. Merci Florian. Merci à vous deux.