Aldébaran
| Sujet: Fragment #32 - Présage ? 10.04.08 16:30 | |
| Vendredi 11 août 2006 à Chenôve Jon est parti pour deux jours. Je ne l’ai pas vu de la journée d’hier et j’avais déjà du mal à survivre. Je croyais même l’avoir perdu, en un certain sens. Car quand on a plus d’image dans sa tête, plus de sourire auquel penser, plus de corps sur lequel fantasmer, que fait-on ? On pense. On pense à cette personne jour et nuit. On n’a plus une seule seconde à soi. Même nos rêves sont pris par cette mélasse amoureuse qui nous colle aux draps, qui nous embourbe dans notre sueur. Où es-tu, Jon ? Oui, je sais, ta grand-mère avait besoin de toi, à Langres. Elle ne va plus très bien, avec son hernie. Mais comment ose-t-elle te détacher de moi ? Je te veux tout à moi, Jon, reviens ! Mais je n’ai aucun pouvoir sur les choses, et même si je te perds petit à petit, si tu disparais des méandres de mon esprit par l’absence d’une quelconque présence au creux de mes bras, je ne te retirerai pas aux obligations de ta vie. Je veux en faire partie, compter pour toi ; mais pas t’empêcher de respirer, t’engluer dans mes angoisses. Je m’arrête. A mes pieds, un petit autocollant bleu, que je n'avais jamais vu auparavant. Collé, comme soudé au béton de la place Darcy. J’étais revenu en pèlerinage sur le lieu de notre rencontre. Et maintenant, à mes pieds, ce morceau d’autocollant bleu. « POUR LA VIE ». Que dois-je faire de cela, le prendre comme un présage, comme une voie à suivre. Je ne sais trop. Pourquoi est-ce que je cherche une signification à toute chose ? Je ne sais pas vraiment. Peut-être en ai-je simplement besoin. J’hésite entre le ramasser et le laisser au sol. Pas par volonté greenpeacienne, non. Simple hésitation sur mon futur. Ai-je vraiment besoin de lui donner un coup de pouce ? Je ne crois pas. Je suis de ceux qui pensent que ce qui arrivera, arrivera. Je regarde ce petit autocollant bleu, les yeux écarquillés. Je recule un peu. Mon regard remonte. Voir droit devant soi, et avancer, sans se poser de questions. Ce qui doit se passer se fera. Ma chaussure écrase sans pitié cet autocollant déjà soudé au trottoir, le marquant d’un quadrillage de saleté citadine noirâtre. Adieu les pour-la-vie. | |
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