Altaïr
| Sujet: Fragment #480 – Explications (3) 09.12.08 12:57 | |
| Mardi 9 décembre 2008 à Paris Après ma journée à la boutique d'antiquités, je suis donc allé dans le 16ème Arrondissement pour rendre visite à Robert, mon grand-père paternel. Il vit toujours dans les combles de ce vieil immeuble, dans son temple du pourrissement, là où les plantes meurent et où le bois moisit, là où toutes les choses se décomposent. Y compris lui. Nathalie époussette les oreillers en les tapant d'une main ferme à la fenêtre. Elle me lance un regard pincé pour me faire comprendre que ma présence la dérange. C'est vrai que je n'ai pas donné de nouvelles depuis la dernière fois, c'est vrai que j'étais venu la juger sans connaître la situation, sans savoir ce que je disais. Maintenant, je me sens un peu bête, même si, au fond, ce n'était pas de ma faute. Parce qu'à l'époque je n'étais pas vraiment moi-même. Mon grand-père me prépare un chocolat chaud, dans lequel il verse une goutte de whisky, histoire de me réchauffer. C'est vrai que le temps est épouvantable, dehors. Ciel gris, froid glacial, vent humide. Nathalie, une fois son ménage terminé, tourne un peu en rond, se demande si elle peut nous laisser seuls. « A demain, lui lance mon grand-père, pour lui faire comprendre qu'elle doit partir. » Elle me lance un regard furieux. Sans doute s'imagine-t-elle que je cherche encore à lui voler sa place. La porte claque, le silence s'installe, bientôt brisé par la voix frêle de mon grand-père. « Il va falloir que je me sépare d'elle, il dit. - Pourquoi donc ? Elle ne s'occupe pas bien de toi ? - C'est moins pour moi que pour elle. Je pense qu'il est temps qu'elle se trouve quelque chose de mieux à faire. - Mais qui va s'occuper de toi, alors ? - Peut-être que toi, tu pourrais ? il lance timidement. » Bon, il a fini par me le demander. J'inspire un bon coup et le regarde dans les yeux. « Non, grand-père, moi je ne saurais pas m'occuper bien de toi. Il vaut mieux que ce soit Nathalie. Elle te connaît mieux, elle sait comment faire. - Je comprends, Julian, tu as raison. » Gorgée de chocolat brûlant. Le goût de l'alcool se mêle délicieusement à celui du cacao. « Alors tu connais Elisabeth, il me dit en frottant d'une main ses vieilles paupières ridées. - Oui, je la connais un peu. C'était ma voisine quand je suis arrivé sur Paris. - Ah, c'est donc ça. - Et toi, comment tu la connais, grand-père ? - Ah, ça, c'est toute une histoire, mon petit Julian. - Tu sais, des histoires, ça fait deux jours qu'Elisabeth m'en raconte. Des histoires bizarres mais passionnantes. Alors je veux bien en écouter une autre. - Une histoire d'amour, ça te dit ? - Quoi ? Entre toi et Elisabeth ? - Bien sûr. - Je ne savais pas... - C'était il y a bien longtemps. Aujourd'hui nous sommes amis, simplement. - Tu faisais partie de ce Clan ? - Le Clan de l'Antiquaire ? Ah ça oui, Charly est un de mes meilleurs amis, tu sais. Tu le connais ? - On m'en a beaucoup parlé. - Et on t'a dit que c'était dangereux, de savoir des choses à ce sujet. - Oui. Tu n'es pas en danger, toi ? - Moi ? Non... Je ne fais plus partie de cette histoire, Julian. J'ai trop donné. » Il va chercher une vieille pipe dans son tiroir, la bourre de tabac et l'allume. Un nuage âcre s'élève au dessus de la tête racornie de mon grand-père, et j'aperçois dans les brumes son regard flottant et pétillant, planté dans le mien comme les griffes d'un vieux félin. « Il fut un temps où j'étais le trésorier du Clan, m'explique-t-il. C'est moi qui ai financé la fondation de la boutique, j'ai dilapidé la fortune de ma famille dans cette affaire. Nous avons revendu la maison de mes parents, et tous les bibelots. Et j'en suis bien content. - Et tu n'as rien donné à mon père et à mes deux tantes ? - Ta grand-mère et moi, nous ne voulions pas que nos enfants soient des dandys fainéants. Nous voulions qu'ils se battent pour gagner leur vie. Résultat : ton père a réussi à devenir l'un des plus grands chirurgiens de Dijon, Jeanne a épousé un homme riche -elle avait la paresse dans le sang- et Claude s'est contentée d'une vie plus simple. » Un dandy fainéant. Voilà ce que je suis aux yeux de mon père, alors. Voilà ce qu'il redoutait le plus, comme son propre père avant lui. Voilà pourquoi il m'en veut autant. « Comment vont tes frères, Julian ? - Florian a divorcé. Et il vit avec Lilian qui a raté sa première année de médecine. A part ça... je crois qu'ils vont bien. - Je pense qu'il est préférable qu'ils continuent à croire, pour l'instant, que Shanti Mahogany était leur véritable grand-mère. » Je fronce les sourcils. Robert me fait un clin d'oeil, derrière la fumée de sa pipe. Est-ce que Elisabeth ?... | |
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Procyon
| Sujet: Re: Fragment #480 – Explications (3) 09.12.08 13:46 | |
| :cheers: :cheers: :cheers: :cheers: Bravo, quel étonnement. Ce frag relève d'une beauté Proustienne au début, et de la surprise un peu décalée digne de cet Eric Holder (découvert il y a peu).
Ca me plait beaucoup. | |
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Alsciaukat
| Sujet: :) 10.12.08 12:13 | |
| '_'
Pluuuuuuuuuuuussssssss !!!!!!! | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #480 – Explications (3) 10.12.08 12:16 | |
| Lol ^^ J'avoue avoir été tenté par un "Explications (4)" | |
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Alsciaukat
| Sujet: :) 10.12.08 12:18 | |
| Tu m'étonnes ^^
Ceci dit là pour la peine ça laisse beaucoup de trucs en suspens ! | |
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Altaïr
| Sujet: Re: Fragment #480 – Explications (3) 10.12.08 12:38 | |
| J'espère qu'il y aura toujours des trucs en suspens :) | |
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Alhena
| Sujet: Re: Fragment #480 – Explications (3) 12.12.08 17:25 | |
| Je dévore les fragments de Julian. Terribles!!! Mais, mon petit Altaïr, je pense que je vais t'envoyer un petit mp... Je viens de me souvenir de quelque chose. | |
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| Sujet: Re: Fragment #480 – Explications (3) | |
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