Fragment #29 - Premier matin d'hiver

Je me réveille doucement, et les bras de Robin resserrent leur étreinte autour de moi. Nous avons dormi l'un contre l'autre après une délicieuse soirée en tête à tête, nous avons fait l'amour passionnément, nous avons rêvé en ne formant plus qu'un.
« Bonjour, vous... il me dit en me caressant les cheveux.
- Bonjour, toi... je réponds en souriant.
- Bien dormi mon petit prince ?
- Mieux que jamais, et toi ?
- Pareil... »
Nous nous levons pour aller petit-déjeuner. Julian et Florian sont complices et agaçants ce matin, parce qu'ils nous ont entendu coucher ensemble et qu'ils se moquent de nous. Au fond, je sens bien que Florian est gêné, et qu'il est un peu jaloux, aussi. C'est la première fois qu'il est célibataire alors que ses deux frères ne le sont pas, finalement. Et comme il est l'aîné de la fratrie, il se dit sans doute que quelque chose cloche.
Je nous prépare un chocolat bien chaud, car il fait un froid de canard aujourd'hui. Julian s'est même levé ce matin pour aller nous acheter des croissants, ce qui m'étonne de lui. Je n'ai pas l'habitude d'un Julian altruiste, mais après tout, tout le monde a le droit de changer, surtout si c'est pour s'améliorer.
« Je suis allé à ma petite boulangerie, celle où j'allais tout le temps avant, il dit. Tu sais, place Grangier.
- Petite, petite... c'est un gros truc quand même.
- Et puis tu pourrais trouver plus près, tu sais.
- Oui, mais c'est celle-là que j'aime bien, moi. 
- C'est l'hiver, aujourd'hui, non ? s'enquiert Robin.
- Oui, on est le 21, ça doit être ça.
- De toute façon, il a commencé depuis un moment, l'hiver, cette année... »
Nous prenons notre petit-déjeuner, tous les quatre, puis Robin et moi allons nous doucher ensemble. Il doit rentrer chez lui, parce que mes frères et moi sommes invités à manger chez nos parents. Je n'ai pas trop envie d'y aller, mais je vais voir ma petite nièce Léa, alors je suis content.
« Et si tu disais à tes parents, pour nous deux ? me suggère Robin au moment où je lui dis au revoir, sur le pas de la porte.
- Je sais pas... tu crois ?
- Ca serait bien, non ?
- Ben oui, je sais bien, j'y pense souvent mais bon, c'est pas facile non plus...
- Oui, mais quand même, tu seras bien soulagé quand tu n'auras plus rien à cacher. »
Je l'embrasse. Il s'éloigne dans les escaliers et disparaît. Sans doute a-t-il raison, je n'aurais plus à me cacher, je ne vivrais plus dans la peur permanente d'être découvert. Mais est-ce que j'aurai la force de le leur annoncer ? Comment trouver les mots pour le dire ?
Je voudrais tellement être normal.