Altaïr
| Sujet: Fragment #101 - Le Tribunal du Corps 10.04.08 18:12 | |
| Mardi 3 octobre 2006 à Dijon Qui suis-je ? Je suis toi, je suis moi. Nous ? Je suis je. Un corps. Un corps qui pense. Mais avant tout un corps. Qu’est-ce qu’un corps ? Un objet, une enveloppe, un amas de chair retenant les limites de ma conscience. Vraiment ? Non, ma conscience va au-delà. Elle dépasse les frontières de mon corps. Je peux me représenter ce qui est ailleurs, ce qui a été et ce qui sera. Qu’est-ce qu’un corps ? Un point, un corpuscule organique dans un lieu et un instant donné. Vraiment ? Des lieux, des instants. Je peux me déplacer et me dire à chaque instant que je suis à un endroit différent : « je suis là », comme lorsque je prends le bus le matin. Et les mots « je suis là » prennent un sens énorme et véritable. Où suis-je ? Je suis là. Où suis-je ? Je suis là, en mon corps. Qu’est-ce que mon corps ? Mon corps est moi, ce qui me rend reconnaissable aux yeux des autres. Il est mon identité. Mon identité. Ce qui me rend singulier, le reflet que j’offre à mes semblables. Qu’est-ce que mon corps ? Mon corps est ce que les autres en font quand ils le regardent. Il est à leur image. En me jugeant, les autres me sculptent et m’animent. Est-ce bien mon corps ? Non, c’est aussi le leur. Mais je peux aussi me regarder moi-même, et dès lors mon corps m’appartiens de nouveau. Vraiment ? Le Miroir me dit ce que je suis. Vraiment ? Non, le Miroir est mensonger, c’est un traître qui me flatte sans me révéler. Alors ? Les autres sont les miroirs de mon corps. C’est à travers eux que j’apprends à discerner ce à quoi je ressemble. Je leur ressemble. Suis-je beau ou laid ? Cela dépend des autres, la façon dont ils me regardent. Ainsi parfois je me sens fort face au Miroir lorsque je me sens beau dans leurs yeux, et d’autres fois je ne peux plus regarder mon reflet tant celui-ci m’est insupportable. Suis-je donc en mesure de me juger objectivement ? Non, mon raisonnement est subjectif en ce qui concerne mon corps. Mon corps est-il donc un objet ? Un objet que je ne peux juger comme un objet car je ne le connais pas en tant qu’objet. Qu’est-ce que mon corps ? Mon corps est un relais entre mon esprit et le monde sensible. Il m’ouvre la voie des sensations à travers la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. A travers lui, je savoure le plaisir et la douleur. Ma vie alterne entre souffrance et plaisir, sans cesse. Qu’est-ce que mon corps ? Mon corps est une des trois parties de mon Moi, un fragment de mon être indispensable. Pourquoi rechercher la douleur ? Je ne recherche pas la douleur. Vraiment ? Non, je ne veux pas souffrir. Je recherche les plaisirs, comme tout le monde. Vraiment ? Je ne veux pas souffrir. Vraiment ? Non je ne veux pas souffrir ! Vraiment ? Je… je crois que je veux éviter la douleur, mais je me fais sans cesse du mal. La souffrance de l’âme. Rechercher l’acier qui coule dans les ténèbres et le fondre sur ma peau meurtrie, me déchiqueter à blanc. Le mépris, le dégoût et la haine que je porte à ma condition charnelle me blesse et me saigne. Alors ? Alors je dois apprendre à prendre soin de moi. Ne plus penser et préférer la mollesse tangible du monde physique ? Non, ce n’est pas ça. Ménager mon corps. Ne pas le délaisser au profit des deux autres morceaux de mon Moi. Bien. La séance est levée. | |
|