Altaïr
| Sujet: Fragment #102 - Prend soin de Toi 10.04.08 18:13 | |
| Mercredi 4 octobre 2006 à Dijon « Prend soin de toi. » Nalvenn s’apprête à partir. Je la retiens un moment. « Julian, je dois y aller là, Sébastien m’attend… - Comment tu l’as su ? - Quoi ? - Que tu… enfin que je… - … que tu allais mal ? - Oui. Aujourd’hui, mais aussi en Juin, quand tu es venue. Comment tu l’as su ? - Julian, quand tu ne donnes plus de nouvelles, je m’inquiète, et je finis toujours par venir. Je l’ai toujours fait, je le ferai toujours. Je t’aime tu sais. » Elle se met à rougir, choquée par ses propres mots. Dire qu’on l’aime à un ami n’est pas aisé. D’ailleurs je ne dis rien, et elle en profite pour filer comme de l’eau par l’entrebâillement de la porte. Je t’aime tu sais. Prend soin de toi.
« Je les voudrais plus courts, et désépaissis au dessus et sur les côtés. Bien courts dans la nuque. » Oui, ils ont bien repoussés déjà depuis que Maman les a coupé à mon retour de Paris. Alors me voilà à la Boîte à Coupe dans le Centre Dauphine, ma tête basculée en arrière entre les mains d’une femme qui me masse le crâne. Si elle savait ce qu’il y a dedans… Non, ça va, ce n’est pas trop chaud. Tiens, qu’est-ce qui se passe ? Ca vibre… est-ce mon portable ? Non, c’est le fauteuil qui me masse… Je me sens mal, sur ce truc qui s’occupe de moi comme ça, dans ce salon de coiffure où l’on me traite comme un roi. Oui bon, d’accord, j’ai payé pour ça, mais est-ce une raison ? Je ne suis pas un… suis-je un dieu ? Non merci, pas de café, ça ira. Et encore une fois, me voilà face à mon reflet. Demain, je retourne à la fac pour un an de cours, une année au terme de laquelle je rentrerai chez moi avec une Licence de Lettres Modernes, ce foutu diplôme dont je ne sais que faire mais pour lequel je me suis démené pendant deux ans déjà. Sur mes épaules, les cheveux tombent comme une pluie de petits fils bruns. « Vous avez de beaux cheveux » me fait la coiffeuse. Je ne lui réponds pas. Que pourrais-je bien lui répondre ? Je me concentre sur mon reflet réfléchi à l’infini par les glaces qui se font face dans le salon de coiffure. Je me laisse aller à fermer les yeux, à écouter le crissement délicat des ciseaux autour de mes oreilles. Ca va là, je prends suffisamment soin de moi ? Je rentre à l’appartement. Je crois que ça me fatigue de l’appeler « temple du sommeil » à chaque fois, peut être vais-je arrêter. Appartement, c’est bien aussi. Plus simple, plus froid. Comme le temps. J’ai dû mettre un pull aujourd’hui, et sentir le contact désagréable des couches de tissus qui s’empilent sur moi. Ciel gris et pluvieux, vent d’enfer, des bourrasques qui font ployer les parapluies comme des fleurs rabattues par un souffle. On est bien mieux à l’intérieur, où il fait encore bon. Cet état de grâce ne sera que de courte durée. Bientôt la glace investira les lieux jusque dans mes os. | |
|