Fragment #16 - La cuite

J'ai soif. Première pensée qui effleure mon esprit. Un martellement fait vibrer mon crâne accompagnant cette idée. Grondement sourd et permanent de ma conscience devenue folle. La lumière agresse mes paupières et augmente mon malaise, comme si des épingles de feux tentaient de me pénétrer le cerveau en passant par mes yeux.
De l'eau, je tuerais pour de l'eau, ne serait-ce qu'une goutte. Mes lèvres desséchées et ma langue pâteuse me rappellent mes excès d'hier.
Je suis rentré à cinq heure, torché et non sans avoir dragué la moitié de la population masculine de la boite, avec succès parfois.
Je crois que je vais passer la journée au lit, ne pas penser, juste dormir et oublier. Mais oublier quoi ? Je sais que quelque chose d'important s'est produit mais l'idée m'échappe et je n'ai pas la force d'y songer.
Dormir, seulement dormir et oublier, oublier la douleur et la souffrance.

J'ai toujours soif, je sais que j'ai dormi mais je ne saurais dire combien de temps. Je me lève et le sol tangue dangereusement. J'atteins la salle de bain sans faire de dégâts et m'abreuve longuement penché sur le lavabo. Je retourne me coucher après avoir avalé un cachet. Petit à petit mes pensée s'éclaircissent, la douleur diminue, tout revient à la normale. Je me souviens de la discussion avec Claire, de l'adresse et du nom du jeune homme qui va mourir. Ce n'est pas moi qui vais le tuer, je ne suis donc coupable de rien. Pourtant je ne peux m'empêcher d'y penser, de me dire que, si il meurt, ce sera de ma faute. Je ne peux pas prévenir la police : qui me croirait ? Je ne sais que faire et aucune idée ne vient m'éclairer.
Je dois dormir, seulement dormir, me laver les mains de ces histoires. Dimanche je serai loin, je serai à Beauvais et personne ne mourra, personne ne se fera tuer.