Fragment #500 - Entre la vie et la mort

Je me réveille dans notre Temple du Bonheur. Lola est endormie à côté de moi. Dans la chambre d'à côté, j'entends Kokhavah gazouiller dans son petit lit. J'ignore quelle heure il est, mais le soleil froid qui glisse à travers la fenêtre m'indique le jour est déjà bien avancé. Sans bruit, je me lève, sors de la chambre et traverse notre petit salon. Dans la cuisine, je prépare un café bien chaud, et regarde par la fenêtre. Florian, dans la cour, amène des bouteilles de verre vides dans le local poubelles. C'est bizarre, le voilà qui devient maniaque. Peu après, une jeune femme en blouse bleue entre derrière lui. Merci à la droite, on travaille même le dimanche, maintenant. Une troisième personne entre dans le local à poubelles. C'est un jeune homme armé d'un couteau.
Mon sang se hérisse. Il se passe quelque chose. Tandis que mon cœur se met à pulser à un rythme effréné dans ma cage thoracique, je m'habille en hâte, attrape un manteau et enfile des chaussures, puis m'apprête à sortir, lorsque Lola sort de la chambre, ses cheveux sombres en bataille, les yeux plissés par le sommeil.
« Coucou mon cœur.
- Bonjour ma chérie...
- Tu vas où ?
- Nulle part... Je reviens tout de suite, il faut que j'aille demander un truc à Juliette. T'en fais pas. »
Je sors de l'appartement. Descends les marches quatre à quatre. Ouvre la porte et me jette dans le froid de la cour. Merde, depuis un quart d'heure, il a pu se passer tant de choses dans ce foutu local. Pourquoi est-ce que j'ai été aussi lent ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas pensé à appeler la police ?
Je cours aussi vite que possible. En arrivant devant le local, je vois sortir le garçon au couteau, qui porte sur son dos un gros sac de plastique noir. Il me dévisage, s'éloigne. Mon corps, tremblant de peur, n'ose pas faire le moindre mouvement, car il a perdu la hardiesse de Maya. Une fois le garçon parti, je me précipite à l'intérieur, et découvre, sur le sol, mon frère évanoui. Les yeux en larmes, je le secoue, le gifle. Son visage est bleuté, ses lèvres violacées. Des marques rouges meurtrissent la peau de son cou. Merde Florian, réveille toi, réveille toi. Tu ne peux pas mourir. Tu ne peux pas me laisser. Tu ne peux pas disparaître, encore moins maintenant. J'aurais dû arrêter le garçon, ce connard qui t'a fait ça, j'aurais dû être fort, j'aurais dû...
Florian ouvre les yeux. D'une voix faible, il articule :
« Cette salope m'a étranglé...
- C'était une fille ? »
Il hoche la tête avec difficulté.
« J'ai vu un garçon sortir, Florian. C'était pas une fille.
- Je sais pu, j'ai peut-être halluciné.
- Viens, on va appeler les flics.
- Non, on appelle personne.
- Mais Flo... »
Il se relève, le souffle rapide. Son visage, peu à peu, rosit à nouveau.
« On appelle pas les flics, Julian. Je veux pas. 
- OK, comme tu veux.
- Et on dit rien non plus aux autres.
- Mais pourquoi ?
- Parce que.
- Tu as des marques d'étranglement sur le cou...
- Alors va me chercher ton écharpe, on va dire que j'ai chopé une angine. »
Sans réfléchir, je lui obéis. Qui était ce mec, je n'en ai aucune idée. Mais il avait des couteaux dans les yeux, et ils m'ont déchiqueté d'un regard. Merde. Et si mon mauvais karma s'était transplanté sur Florian ?