Altaïr
| Sujet: Fragment #138 - Ce qui au fond de Moi est enfoui 10.04.08 18:56 | |
| Mercredi 15 novembre 2006 à Dijon Ils ont disposés de petits moulins à vent un peu partout sur la place de la Libération, qui virevoltent pour amuser les enfants sous le soleil éclatant de la mi-Novembre. Une place blanche et neuve immaculée. Maculée de sang. Lola me tient la main mais à présent je ne sens plus son contact comme aux premiers jours. Ca ne fait que peu de temps que nous sortons ensemble, et je crois pouvoir dire que je suis aussi amoureux qu’elle, mais tout cela va trop vite, et puis ça ne va pas, il y a la terre noire dans ma tête, deux ans de sédiments pour oublier, et voilà qu’on remue le sol. La fille aux cheveux écarlates gratte pour sortir ses camarades des tréfonds de mon cerveau. Comme des bulles visqueuses, les souvenirs remontent. Bientôt ils éclateront en surface, ce n’est plus qu’une question de temps. Ca l’a toujours été. Lola regarde les petits moulins à vent et me dit qu’ils sont jolis. Elle regarde les enfants courir et je lis dans ses yeux une douceur incomparablement rafraîchissante. Pourquoi, au lieu de m’apaiser, tes caresses ne font-elles qu’exacerber en moi le sentiment que je ne suis pas comme toi ? Toi et moi. Je me force à sourire. Tu t’en aperçois du coin de l’œil, tu ne guettes que ça, tu veux que j’aille bien, petite Lola, tu dois sentir qu’une part de moi n’est pas accessible. Je ne peux pas être tien. Je ne peux qu’être mien. Comme je voudrais, pourtant… Je t’embrasse. Exalter mes sentiments pour conjurer le Mal. Je souris. Un vernis de faux bonheur sur mes dents blanches de dieu. Pourquoi est-ce redevenu si difficile de sourire ? Ca me revient, c’est là que tout à commencé, dans cet appartement, avec la musique en fond, nos corps affalés, et notre exploration commune des ténèbres. « Il est devenu difficile de sourire. » Cette phrase n’est pas de moi. Déjà l’écho de sa voix me parvient. Ce n’est pas la fille aux cheveux de sang, ç’en est une autre. La voilà qui se dresse à nouveau dans ma mémoire, couverte de terre noire, à moins que ce ne soit un effet de sa peau légèrement basanée, luisante, elle me toise dans l’ombre opaque de l’appartement, sa bouche exhalant des colonnes de nicotine. Je me remémore l’écho de sa voix, la voilà qui parvient presque à mes tympans. « Il est devenu difficile de sourire. » Je voudrais me boucher les oreilles, mais mon esprit n’attend que ça, on dirait presque que c’est lui qui gratte dans mes souvenirs. Non, je ne veux pas… Mais il le faut. Non, pitié, laissez moi, ne rejaillissez pas de l’oubli… Les moulins à vent tournent de plus en plus vite, la main de Lola renforce sa pression sur la mienne. Je ne sens plus mon Corps. Mon Cœur s’accélère. Une première bulle éclate. Comme s’il fallait libérer ce qui au fond de Moi est enfoui. | |
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