Aldébaran
| Sujet: Fragment #125 - On dirait de l'amour 07.01.09 19:34 | |
| Lundi 28 mai 2007 à Dijon Cris. Foule vociférant. Grimaces de dégoût. Haine peinte sur les visages. Masse informes. Corps tassés. Hommes-carapaces. Bâtons de violence. Coups donnés au hasard. Les hommes s’empoignent, se frappent. Ma colère est rouge et tapisse les murs autour de moi. La main de Lilian est resserrée dans la mienne. Ma Colère monte. Testostérone grimpante. Des crocs me poussent. Un homme est frappé au visage. Commentaire neutre : « Nouvelles actions homophobes soutenues par le gouvernement lors de la gay pride de Moscou. » Un homme, l’œil boursouflé et présenté comme un activiste des droits des homos commente ce qui vient de se passer. Mon échine se dresse. Comment cela est-il encore possible dans notre monde ? Comment un homme peut-il être frappé avec pour raison sa différence ? D’ailleurs, est-il vraiment différent ? Cet homme aime. C’est ce qu’il y a d’important. Il est prêt à en découdre pour défendre ses opinions. Je l’admire. Ma Colère est d’autant plus forte. L’angoisse me prend. L’immondice de certains individus me donne vraiment la gerbe. Mes pupilles se dilatent, mes muscles se tendent. Un jour, mes convictions me pousseront à bout. « Tu as vu ? je prends Lilian à témoin. » Il hausse les épaules, à l’air de s’en ficher. Il ne comprend pas qu’il faudra qu’il se batte pour affirmer sa différence. Car les gens ne savent pas. Ce n’est pas un choix. Et toi alors, Jed, tu n’as pas choisi ? Je te rappelle que tu avais une copine. Ce n’est pas un choix. Pour moi pas plus que pour un autre. Nous suivons notre fil. Destin, hasard, je ne sais pas. J’essaye de vivre tout simplement. Sans trop me prendre la tête. Je pleure quand j’ai besoin de pleurer, je crie quand j’ai besoin de crier, je tape quand j’ai besoin de taper. « En fait Jed, je sais que c’est toi… pour Julian. - Oui, et ? - Euh… ben c’est tout. Ça ne doit pas poser problème. Enfin, je veux dire… Tu n’aurais pas dû le faire, mais… - Arrête. C’est fait, c’est fait. Je ne me pose plus de questions à ce sujet. Et Julian non plus. » Il ne répond pas. Il me serre simplement dans ses bras. Il a au fond des yeux une lueur. Quelque chose qui me fait reculer d’abord, avant que je cède à son cocon. On dirait de l’amour. [Qu’est-ce qu’il vient me parler du tabassage de Julian ? Son corps au sol/gisant dans son sang/et cette odeur dans mes poumons/et ce bien-être soudain/l’orgasme de mon corps/le raidissement de mes muscles/l’ardeur de faire du mal] Cliquetis de plastique sous mes doigts. Tant pis pour le forfait. Un blanc assez long, puis une tonalité différente, plus rapide. « Hello? - Hi, granny, Jed’s speaking. How are you going? - Well, I spoke to your dad recently; he said you weren’t at home anymore. What happened? - Hum… We had quite a fight. Anyway. I’m living with Ariane now. - You know, it’s not fair. He did whatever he could to raise you up. You know it’s a difficult job. - Yeah granny, I know –if only you knew–, but you know, these situations… - Anyway. Why were you calling? - Well, it’s about this entire thing… I’d… I’d like to spend some days with you in London. Is it possible? - Darling! No problem, we would love to have you at our place. Then we can talk about all this. When are you coming? - Oh, I don’t know, really. - Okay, we’ll handle that. I’ll go to buy you a ticket at Eurostar. Keep your phone on, I’ll tell you when it’s okay. You’ll receive the tickets by post. To which address should I post these, anyway? - Oh granny, thank you so much. - You’re welcome. I was missing you. You’ll be here in a few days. I’ll talk about it to you grandpa. » Je raccroche. Je me sens bien. Toutes ces sonorités chantantes. Et elle était tellement heureuse que je vienne passer un temps chez eux. Tout ce que je ressentais se déversait dans mon cœur. Cette excitation dans sa voix. On dirait de l’amour. | |
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