Fragment #38 - Germes

Il fait beau et froid. Un grand soleil brille au-dessus de la place de la Libération. Je reviens de la mairie et retourne au Dionysos, où Lullaby et Grégoire bossent sans moi. Une fois la porte du bar passée, je me frotte les mains pour les réchauffer un peu les doigts. Ils vont finir par tomber, si ça continue à cailler autant.
En ce moment, tout le monde est malade : grippes, gastro, rhumes, angines, rhinopharyngites, il y en pour tous les goûts. La seule qui tient bon au milieu de cet océan de microbes et de bactéries, c'est Léonie. Elle, on dirait un roc, implacable. De la même espèce que Maman, de l'increvable, toujours en pleine forme. Pour ça que ça a été un tel choc, l'an dernier, quand Maman est tombée malade brusquement, sans prévenir. Elle nous avait pas habitué à ça.
Partout dans le bar, ça éternue, ça renifle, ça tousse, ça se demande si ça a de la fièvre, ça court vomir aux toilettes, ça préfère rentrer chez soi. Moi-même, je me sens pas très bien, au milieu de tous ces germes, mais c'est sûrement un truc psychologique. Si je me persuade que je suis pas malade, je tomberai pas malade : c'est ce que Maman m'avait appris, et ça marche. Depuis des années, j'ai pas vu un seul toubib.
De toute façon, je peux pas me permettre de me faire arrêter. Léonie a déjà eu la gentillesse de tenir le Dionysos pendant que j'étais à Dakar pour retrouver Charly, il est hors de question que je lui redemande quoi que ce soit avant un moment. J'ai reçu des nouvelles de la petite Charlie Collomb, peu après le jour de l'An, m'annonçant qu'elle avait été libérée. Personne m'a vraiment expliqué ce qui s'est passé, en gros, alors j'attends un coup de fil qui m'en dira plus.
D'ici peu, je vais fêter mes cinquante ans. Léonie me dit que je devrais faire une grosse fête pour marquer le coup, inviter tous mes amis.
Quels amis, Léonie ?