Fragment #171 – Il m’a retrouvée

Je referme violemment mon portable ; les mots continuent à danser devant mes yeux. Il m’a retrouvée. Mon cœur se décroche et tombe dans mon estomac. Je n’y croyais pas, je ne voulais pas y croire, mais là, il n’y a plus de doute possible. J’ouvre à nouveau mon téléphone, Messages, Reçus, 04h57.
Et non, tu vois grande fille. La noyée aux bras de mer. J’suis accro à ta poudre amère-saline. Faucheuse. A Dakar t’es partie sans saisir qu’une chose avait changé. T’as continué. Laissant la violence de la reine serpent couler dans mes putain de veines. Sylvia, you know Jesus ?
J’ai la tête qui tourne et envie de vomir. Dakar me revient, la chaleur étouffante, les rues ocres baignées de poussière. Le vieux Charly, la montre-gousset en or qui ne me quitte plus. Le sablier ; les rêves dont la signification m’échappe. Ils sont tous réunis, le blaireau, l’aigle, le loup, le corbeau mortuaire et mon corps de serpent. L’arbre millénaire saigne des larmes de vase ; ils le regardent saigner, et la rumeur gronde. On n’entend que des murmures qui ne veulent rien dire, les peaux brûlent de s’être retrouvées. Et du ciel tombent des objets, qui s’enfoncent dans le sable coupant. La boîte, le briquet, la montre, l’encrier, le couteau. Ils s’enfouissent sous les corps immobiles. Et le feu embrase l’arbre qui pleurait.
J’ai peur, et je ne comprends rien. Il m’a retrouvée.
Nathan.