Mercredi 4 février 2009
à Dijon
Je viens de voir les aiguilles afficher treize heures à ma montre. J'ai invité Mario à venir prendre notre café au Dionysos, après un repas succinct.
« Tu avais raison, c'est charmant ici. »
Oui, à force de manger ensemble quasiment chaque midi, nous avons fini par nous tutoyer naturellement. C'est lui qui a commencé, mais ça ne m'a pas choqué. J'ai continué.
La patron nous sert nos cafés. C'est agréable.
Je me lance.
« Ça me fait du bien de sortir, avec toi. J'en avais perdu l'habitude.
- Vous ne sortez pas, avec ton mari ?
- Il est décédé l'an passé.
- Ah excuse moi. »
Pour rompre le silence, sans lui laisser le temps de s'ancrer entre nous, je dis la première chose qui me passe par la tête.
« Et vous, avec ta femme ?
- On est divorcés.
- Ah ! »
Je dois vraiment avoir une mine déconfite, parce qu'il sourit et me demande :
« Ça t'étonne ?
- Non, enfin si. En fait je ne pensais pas... Tu portes une alliance, alors je croyais...
- Oui je tenais beaucoup à ma femme, mais si je garde mon alliance c'est surtout parce que je ne l'ai jamais enlevée depuis que je me suis marié. Je la garde par habitude, comme un simple bijou.
- Tu me diras, je porte toujours la mienne.
- Ce n'est pas pareil. Vous ne vous êtes pas séparés d'un commun accord.
- Lui au moins était d'accord.
- Comment ça ?
- Il s'est suicidé.
- Ah ! »
Si ma mine déconfite de tout-à-l'heure ressemblait à celle que Mario affiche en ce moment, il avait raison de sourire.
En imprimant des listes de comptes, je repense à notre discussion de ce midi. Je crois que je n'avais jamais eu l'occasion de parler de la mort de mon mari de cette façon à quelqu'un. Parler soulage. Même neuf moins plus tard. Neuf mois plus tard. Discutez et vous verrez. Parlez-en, c'est un poids qui s'échappe, une lourdeur qui s'envole, des attaches qui tombent, des interdits qui s'ouvrent. Lentement bien sûr. Lentement.