Fragment #21 - Telle mère, telle fille ?

Je regarde le jeune homme se faire battre à mort. Je n'en peux plus, c'est insupportable. L'un des agresseurs se retourne soudain dans ma direction. Il va me tuer. Il va me tuer j'en suis sûre. Je me mets à courir, aussi vite que je peux. Malheureusement, l'air se fait de plus en plus visqueux et lourd autour de moi, s'opposant à ma progression. Je pousse de toutes mes forces sur mes membres mais mes mouvements se font au ralenti, comme si j'étais au fond d'une piscine. Mon poursuivant, lui, ne semble pas gêné le moins du monde dans sa course. Je le sens se rapprocher dans mon dos, de plus en plus vite, tandis que mes mouvements eux, se font de plus en plus lents. C'est trop tard. Je ne pourrai plus lui échapper. Résignée, je me retourne, prête à l'affronter. Sa silhouette sombre fonce sur moi. Je n'ai plus le choix. Je brandis devant moi le couteau que serre mon poing droit. Au moment où l'homme se jette sur moi, j'enfonce le couteau dans son estomac. Un sensation horrible envahit alors mon bras. Je sens la pointe du couteau pénétrer les différentes couches de chair, par à-coups, comme lorsqu'on enfonce une lame dans un gros bout de viande crue.

6h30. Le réveil me tire brusquement de cet affreux cauchemar. Je me calme cinq minutes, puis me lève. Les images du mauvais rêve mêlées à celles du la vraie bagarre de la semaine dernière m'accompagnent jusqu'à la salle de bain. Cette histoire va finir par me rendre malade. Au moment où je m'apprête à enfoncer la poignée, la porte s'ouvre brutalement. Je sursaute stupidement, avant de prendre conscience que la personne qui a ouvert la porte n'est autre que ma mère, vêtue de son habituel peignoir vert. Elle me sourit.
« Excuse moi ma chérie, je t'ai fait peur.
- Non, c'est pas grave. C'est moi, je suis un peu fatiguée.
- C'est vrai que tu as des cernes. Tu devrais te coucher plus tôt.
- Oui, mais bon, j'ai du boulot. Enfin bref. »
Je rends son sourire à ma mère et entre dans la salle de bain. Je l'aime beaucoup. Enormément en fait. Elle est tellement gentille. Et puis, c'est quelqu'un de bien. Je m'observe dans la glace. Les gens disent souvent que je suis son portrait craché. Pourtant, je ne la retrouve pas dans mon reflet. Tout au plus ai-je hérité de sa jolie chevelure blonde. Mais je n'ai ni sa gentillesse, ni son courage. Et pourtant elle a un passé si lourd. Elle est forte. Et moi, je suis faible. L'image de ma mère laisse place à celles de la bagarre, à nouveau. Mais je reprends vite mes esprits et tente d'échapper à ces souvenirs en me plongeant dans la toilette matinale.