Fragment #32 - Je n'aurais peut-être pas dû venir aujourd'hui...

Je suis seule dans le bus. A cette époque de l'année, le campus est désert. J'espère que la scolarité sera ouverte. Je descends du bus, passe le petit pont près du RU Montmusard puis me dirige vers l'entrée de la fac. J'ai fait ce chemin des centaines de fois depuis le début de l'année mais le fait que tout soit désert me laisse une impression étrange. De plus, j'ai la tête qui commence à tourner. Il faut dire que je me sens fiévreuse depuis hier soir. Je n'aurais peut-être pas dû venir aujourd'hui... Je pousse la double porte et pénètre dans le hall. Personne, bien évidement. Tandis que je marche en direction de la scolarité, le bruit de chacun de mes pas se réverbère sur les immenses murs verdâtres. Quelque part, une porte grince, je suis parcourue d'un frisson. Je n'aime pas cette ambiance. J'accélère le pas. Amphi Niepce, Bernard, Paris, Recoura, plus que quelques mètres. En face, une porte s'ouvre brusquement, je sursaute. Un homme en blouse blanche sort en poussant un chariot. Il faut vraiment que je déstresse. Je ne tiendrai pas longtemps à ce rythme là. Je prends une profonde inspiration, puis entre dans le bureau de la scolarité. Soulagement, c'est ouvert.
En face de moi, la grosse secrétaire plonge son nez dans des documents, feignant de ne m'avoir pas vue. Je m'approche un peu plus. Pas de réaction de sa part.
« Euh... Excusez moi ... »
Après environ cinq secondes de silence, la femme lève lentement la tête, me fixe d'un regard peu amical avant de me répondre d'un « Oui ? » non moins antipathique.
« Je viens pour récupérer mon bulletin de notes du deuxième semestre.
- Votre nom ?
- Spinner Déborah.
- Première année ?
- Oui. »
La secrétaire se lève, fouille un moment dans les placards, puis revient avec une feuille à la main.
« Voilà, me dit-elle en grimaçant. »
Je prends le papier qu'elle me tend et pars sans plus attendre. Tout en me dirigeant vers la sortie, j'étudie les détails de mon relevé de notes. Pas de changement par rapport à ce qu'il y avait sur internet, malheureusement. Toujours cette note catastrophique en physique. C'est vrai que le semestre est validé mais c'est vraiment très loin de mes espérances. En fait, ça me dégoûte carrément. Je m'arrête de marcher car de nouveau j'ai la tête qui tourne. J'en ai marre... J'en ai vraiment marre de tout ça. Les cours, les notes, mes parents, Dimitri, les gens, les problèmes, cette angoisse permanente... Je suis fatiguée, vraiment. Je soupire, pousse la porte, et sort. Il fait froid dehors, je tremble un peu. Il faudra vraiment que j'aille me coucher en rentrant. Soudain, un vrombissement familier me tire de mes pensées. Merde, le bus ! Je me mets à courir mais mon état fébrile me rappelle immédiatement à l'ordre. J'arrive au niveau du pont, en essayant tant bien que mal de garder mon équilibre. Je pose mon pied sur la première marche, puis sur la deuxième. Difficilement, je parvient à franchir l'ouvrage. Mais autour de moi tout tourne et se brouille. Mon corps bascule vers l'avant. Je pense comprendre ce qui se passe. Mon buste qui fend l'air, la marche de béton qui se rapproche de plus en plus de mon visage. Oui, je comprends ce qu'il va arriver. C'est inéluctable.